mardi 13 février 2018

Critique du livre "D'autres vies que la mienne" d'Emmanuel Carrère

Genre: la vie ne vaut rien, rien ne vaut la vie (note: ***/****)


Premier livre que je lis de cet auteur, conseillé par une de mes meilleures amies, j'y suis entrée sans a priori.

La quatrième de couverture donne le ton : deux morts inacceptables (celle d'une fillette de 4 ans et celle d'une jeune femme de 33 ans qui portaient, coïncidence singulière, le même prénom) à quelques mois d'intervalle. Les deux fois, l'auteur est présent, témoin impuissant, inutile. Inutile ? Peut-être pas.

D'un côté, le grand-père de la fillette lui demande d'écrire leur histoire, de l'autre, Emmanuel Carrère décide de lui-même d'écrire aussi celle de la jeune femme (sa belle-soeur). Le résultat est brutal, plein de vie, à la fois sidérant comme peut l'être le deuil et stimulant comme sait l'être la vie. Car grâce (peut-on dire grâce dans ces cas-là ?) à la mort de sa belle-soeur, Emmanuel Carrère rencontre un homme d'exception, bousculé par la vie mais en vie, debout, honnête, brut, minéral, qui va lui raconter sa vie et celle de la jeune femme.

Tous deux juges au tribunal d'instance, en charge des cas de surendettement. Plongée dans le malheur ordinaire des pauvres gens qui ne savent pas, ou ne veulent pas, ou n'ont pas d'autre choix que de ne pas lire les toutes petites lignes de leur contrat de crédit revolving... Ces lignes qui, c'est écrit, deux ans plus tard vont les assomer, les démunir, leur faire vivre l'enfer.

L'écriture de ces histoires fut pour Emmanuel Carrère une catharsis car elle a ouvert devant lui un avenir différent de celui auquel il se préparait. Pour le lecteur, c'est un récit souvent choc car il n'enrobe pas le drame de rose bonbon et appelle les choses par leur vrai nom, mais en le refermant, on reste un instant silencieux, la main accrochée au livre comme à une bouée, le temps de reprendre ses esprits, le temps que les cordes vocales se dénouent. Mais très vite après vient l'envie, cette putain d'envie de vivre. Vivre, tout simplement.
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