vendredi 19 octobre 2012

Rebecca 1979

En juin 1986, TF1 avait diffusé un téléfilm en quatre parties, produit par la BBC et basé sur le best-seller de Daphné du Maurier "Rebecca". Jeremy Brett, Joanna David et Anna Massey jouaient le trio principal. Je n'avais jamais lu le livre avant d'avoir vu ce téléfilm. Je me souviens qu'il avait été diffusé en juin 1986 très précisément parce que durant la diffusion de la quatrième et dernière partie, le 19 juin 1986, un ruban de texte avait défilé au bas de l'écran : Coluche venait de se tuer en moto.

L'adaptation télé me semblait superbe et m'avait instantanément donné envie de lire le livre qui, heureux hasard, trônait dans la bibliothèque familiale, en français. Dire que j'ai adoré ce livre serait très en-dessous de la vérité : il m'a littéralement envoûtée. Jamais de ma vie je n'ai connu une expérience littéraire semblable depuis. Bien sûr quelques années plus tard, après que je me fus familiarisée avec la langue de Shakespeare, j'ai acheté et relu "Rebecca" en anglais. Even better.

Jamais une morte n'avait été aussi vivante, aussi présente, prenant à ce point toute la place. Jamais je n'avais lu un roman au style et à la construction aussi maîtrisés, dans ses moindres détails. Rebecca est morte mais son prénom est sur toutes les lèvres, dans tous les esprits, son prénom alors que la nouvelle femme de Maxim de Winter ne sera jamais connue que comme Madame de Winter. Son prénom ? On ne le connaît pas, on ne le connaîtra jamais. Il n'y en a que pour Rebecca. Aucune description physique de Rebecca dans le roman, aucune image dans le téléfilm : à chacun de la colorier lui-même, selon sa propre imagination, d'après ce qu'en disent les autres personnages du roman/téléfilm. On l'imagine sublime, forcément sublime; fascinante, conquérante, sûre d'elle, indestructible, avec un caractère bien trempé, grande, mince, superbe, les cheveux noirs ? longs ? courts ? "The most beautiful creature I'd ever seen" dira Franck Crawley. Chacun, lecteur ou téléspectateur, aura sa Rebecca, chaque fois différente sans doute et pourtant toujours la même Rebecca : celle dont l'inquiétante Madame Danvers (impressionnante Anna Massey dans le téléfilm) entretient farouchement le souvenir pour elle-même et pour Maxim, veuf inconsolable.

Il faut arriver au 3/4 du livre et à la dernière minute de la troisième partie du téléfilm pour qu'un revirement s'opère : rien de ce que l'on croyait n'est vrai. L'image de Rebecca s'efface et Madame de Winter entre enfin dans la lumière.

"Last night, I dreamt I went to Manderley again", une des plus belles phrases d'ouverture de la littérature. Cette phrase m'accompagne depuis 26 ans. Elle s'impose parfois à moi alors que je ne m'y attends pas, comme une litanie lancinante. Le livre, en anglais, trône dans ma propre bibliothèque maintenant, tellement usé à force d'avoir été lu et relu et relu. "Rebecca" reste mon livre préféré, celui que j'emmènerais sur une île déserte si je ne devais en choisir qu'un, comme on dit. Et régulièrement, quand viennent les sombres fins d'après-midi d'hiver, je reprends le livre sur son étagère, l'ouvre, relis quelques pages ou le livre en entier et pour quelques minutes, quelques heures ou quelques jours I go back to Manderley again.

"Rebecca" - TV 1979 (note: ****/****)


Réalisé par Hugh Whitemore
Avec Jeremy Brett (Maxim de Winter), Joanna David (Madame de Winter), Anna Massey (Madame Danvers), etc.
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jeudi 4 octobre 2012

Boss, my new TV addiction

Satan, your kingdom must come down…

Thomas Kane est le king of Chicago, ou plutôt son maire, un maire omnipotent. Clairement la politique a mangé toute sa vie. Certes il a une épouse, très belle, qu'il croise vaguement entre deux portes et avec laquelle il échange des sourires polis ; il a aussi une fille qu'il a écarté de sa vie depuis longtemps. Il a surtout un chef de cabinet et une responsable de la communication qui semblent être devenus son unique famille. L'épisode pilote pose les jalons d'une série noire, cynique, sans une once d'humour.

Pour l'impressionnant Kelsey Grammer, on est loin de Cheers ou de Frasier. Pour Kathleen Robertson, loin de Beverly Hills 90210. Ce Chicago-là est trempé dans l'acier, le plomb, le cynisme pur, l'avidité, un pouvoir que l'on conserve coûte que coûte quitte à rayer de la carte un médecin, à briser des vies, une ville entière même. Tout n'est que calcul, complot, corruption et manipulation. Mais voilà dans ce pilote le statuesque Tom Kane apprend aussi, et ce dès la toute première scène qui est formidable, qu'il est atteint d'une maladie dégénérative incurable et qu'en deux mots ce n'est qu'une question de (peu de) temps avant qu'il ne devienne un légume. Mais dans la jungle terrible jungle le lion ne veut pas mourir…

La caméra est collée à l'oreille des acteurs, saisissant le moindre frémissement, un œil qui se crispe, un sourire qui faiblit, une colère qui monte, une angoisse imperceptible. Les acteurs déroulent une partition sobre, sans état d'âme, quasi rigide sauf un : un journaliste un peu consciencieux qui déterre (au sens propre) un scandale écologique et sanitaire monstrueux. Le lion vacille mais ne tombe pas.

Tous les personnages, seconds rôles compris, semblent avoir un "agenda" comme on dit en anglais (des ambitions personnelles cachées). Aucun n'inspire confiance, ni ne semble en sécurité, jamais à l'abri d'un retournement de veste d'untel ou d'une condamnation de tel autre. Toujours sur le fil du rasoir, quand on pense avoir cerné un personnage il prend un virage à 180°, nous laissant stupéfaits de n'avoir rien vu venir.

Boss est une série brillante, arrogante, pernicieuse, tout en violence contenue et déléguée, comme son personnage principal. Elle est addictive et la chanson de son générique ("Satan, your kingdom must come down" de Robert Plant) est tout simplement parfaite.
 
"Boss" - Série US - 2011 (note: **/****)
Créée par Farhad Safinia
Avec: Kelsey Grammer, Connie Nielsen, Kathleen Robertson, Martin Donovan, Jeff Hephner, Hannah Ware, Troy Garity, etc.