jeudi 6 novembre 2014

Critique du livre "La vérité sur l'affaire Harry Québert"

Genre: Prétextat Tach meets Humbert Humbert  (note: ***/****)


Comment écrire une (bonne) critique d'un roman que l'on a dévoré, adoré, regretté même d'avoir déjà terminé ? Comment en dire assez sans en dire trop, comment donner envie à d'autres de le lire, partager son enthousiasme sans condamner le futur lecteur à la déception ? Nous allons bien voir...

Marcus Goldman, jeune écrivain new-yorkais que son premier roman a projeté sur le devant de la scène littéraire, est en panne d'inspiration. Pour échapper au harcèlement de son agent et  de son éditeur, qui lui réclament à corps et à cris un nouveau chef-d'oeuvre, il décide d'aller se ressourcer chez Harry Québert, son ancien professeur d'université écrivain lui aussi, dans un bled paumé du New Hampshire. Sauf que Harry Québert est rapidement arrêté pour le meurtre de Nola Kellergan, une jeune fille de 15 ans, disparue 33 ans plus tôt, et dont les ossements viennent d'être retrouvés dans son jardin. Goldman est bien décidé à prouver l'innocence de son vieil ami et s'il pouvait au passage trouver l'inspiration de son prochain livre, tout le monde serait content.

Dès le premier chapitre, dès la première page même, on sait qu'on est foutus. Joël Dicker a un style qui se lit très facilement, pourtant ce qu'il fait dans la construction de son livre est très difficile : il passe de la narration à la première personne (fil rouge du livre, Marcus Goldman qui raconte le présent et son passé avec Québert) à la narration à la troisième personne lorsqu'il raconte des scènes passées ou présentes auxquelles Marcus n'a pas pris part. Dans un incessant ballet entre passé et présent, sa vie, celle de Harry, celle de Nola et celle de tous les personnages satellites, plus ou moins secondaires du récit, peu à peu les masques tombent, le voile des apparences se dissipe et la vérité finit par éclater. Inattendue et pourtant tellement prévisible. Quand on pense avoir cerné un personnage, Dicker ouvre une fenêtre sur son passé qui remet tout en question et contredit totalement nos certitudes.

Au fil de ma lecture, j'ai pensé à Laura Palmer dans "Twin Peaks", à Prétextat Tach dans "Hygiène de l'assassin", à Humbert Humbert et sa Lolita. Joël Dicker les convoque tous et s'en inspire pour nous raconter l'histoire d'amour entre Nola Kellergan et Harry Québert, mais aussi une histoire d'amitié, une histoire d'homme, de transmission entre Harry Québert et Marcus Goldman.

Si vous voulez savoir la vérité sur l'affaire Harry Québert, vous devrez aller au bout de plus de 600 pages d'une histoire pleine de romantisme, de désillusions, de fausses pistes, de coups de théâtre et de rebondissements, et le pire c'est que vous vous seriez bien laissés embarquer pour 600 autres pages.

Si, comme le dit Harry Québert, un bon livre est un livre que l'on regrette d'avoir terminé, alors "La vérité sur l'affaire Harry Québert" est définitivement un (très) bon livre.

La Vérité sur l'Affaire Harry Québert - Roman de Joël Dicker
Editions de Fallois / L'âge d'Homme (septembre 2012)


samedi 11 octobre 2014

Critique du film "Gone Girl"

Genre: sleeping with the enemy (note: ***/****)

Réal. David Fincher
Avec Ben Affleck, Rosamund Pike, Neil Patrick Harris, Tyler Perry, Carrie Coon, Kim Dickens, Emily Ratajkowski, etc.

Où est Amy Elliott Dunne (Rosamund Pike) ? Cette jeune femme à la beauté éthérée qui s'est évaporée le beau matin de son cinquième anniversaire de mariage, personne ne semble la connaître vraiment, ni son mari Nick (Ben Affleck, inattendu et vraiment très bien), ni même ses parents qui sont allés jusqu'à se créer une fille plus parfaite en version papier.

Ce fait divers local devient vite un feuilleton à scandale national, relayé à outrance par les médias qui attribuent les rôles, caricaturent, pardon... décryptent, harcèlent, déforment la vérité pour en faire une pseudo-information bonne à vendre au grand public, ces incultes prêts à gober tout ce que leur fait avaler Saint Cathodique tant que ça les détourne de leur triste vie quotidienne, de la crise, du chômage, des centres commerciaux désaffectés, etc.

Chasse au trésor sur fond de chasse aux sorcières, tout dans Gone Girl est double (y compris le titre du film) : il y a la réalité et la perception de la réalité, le présent et le passé, rendu en flashbacks, Amy et son double de fiction, Nick et sa sœur jumelle. Et les deux n'ont souvent pas grand chose en commun.

David Fincher est le roi du suspens, il l'a déjà prouvé maintes fois (Seven, Fight Club, The Game). Il est également très fort pour créer une ambiance grâce aux décors mais aussi, et surtout, grâce à sa direction d'acteurs et le prouve encore ici : tous sont parfaits, jusqu'aux seconds rôles (mention spéciale à Tyler Perry). Mais c'est la trop rare Rosamund Pike (que j'avais découverte et adorée dans Die Another Day) qui rafle la mise : elle économise ses mouvements, semble flotter plus que marcher, ne laisse jamais rien transparaître derrière cette beauté diaphane de gravure de mode à la beauté trop lisse, seuls ses yeux ouvrent une toute petite fenêtre, sorte de meurtrière, sur son âme. Elle est parfaite.

Fincher nous manipule sans forcer pendant les 2h30 que dure le film mais j'en aurais voulu encore ! La fin arrive trop tôt et m'a un peu laissée sur ma... faim.
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vendredi 10 octobre 2014

Critique du film "Diana"

Genre: bougie dans la tempête (note: 0/****)


Réal. Oliver Hirschbiegel
Avec Naomi Watts, Naveen Andrews, Cas Anvar, Juliet Stevenson, etc.

Mais qu'est-ce que Naomi Watts est allée foutre dans cette niaiserie ?

Ce film ne mérite pas plus que cette ligne.

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dimanche 31 août 2014

Voyages en absurdie

Vous le savez peut-être et si vous ne le savez pas, je vais vous le dire, mais il paraît que les retours de vacances sont toujours plus stressants que les départs. Ah bon ?!

Mais cette année, pour moi, ce fut no stress. Grâce à Stéphane De Groodt et ses "voyages en absurdie" je me suis payée une bonne tranche de rigolade gratos (vu que j'ai emprunté le livre à une de mes collègues) matin et soir dans le bus pendant trois jours. La meilleure idée de rentrée que j'ai eue depuis longtemps.

Cela m'a rappelé le bon vieux temps où je lisais les bouquins de Desproges, dans le bus aussi il y a une bonne quinzaine d'années de ça. Le plus compliqué étant de ne pas passer pour une neuh-neuh en s'esclaffant toutes les deux phrases au milieu de cette foule toute parisienne et toute bronzée (retour de vacances oblige).

De Groodt est le roi du jeu de mots, parfois mieux compréhensible à l'écrit qu'à l'oral d'ailleurs car certaines blagues sont tellement subtiles qu'il faut les voir pour les croire, ou en tous cas pour les comprendre. Un peu de culture ne nuit pas non plus pour tout bien capter et c'est sans doute ce qui a cruellement manqué à Nabilla qui a fait les frais de l'humour De Groodt lors de son passage au "Supplément" de Canal. La séquence, visionnable sur internet, vaut son pesant de moules frites.

Toutes les chroniques sont censées être des portraits de personnages célèbres, en Groodt, mais ne se valent pas : certaines font simplement sourire, d'autres sont un peu faciles, d'autres encore sont niveau CP mais dans leur grande majorité c'est un vrai bonheur pour les zygomatiques.

Morceaux choisis :

[il entre au domicile de Bernard Arnault] "Soudain l'alarme se déclenche, mais je réalise avec soulagement qu'il s'agit en fait du best of de Lara Fabian"

"Une fois n'est pas coutume, et deux fois non plus d'ailleurs, ni trois. En fait on n'a jamais su à partir de combien c'était coutume"

"Je me rendis à l'Elysée où j'ai mes entrées et surtout mes sorties. Une fois sur place on me guida, du latin guidare, ou guitare en solfège, ou flûte si on s'est trompé, jusqu'au bureau de Valérie Trierweiler, mot compte triple, 82 points"

"[...] c'est donc sans hésiter que je partis pour Washington DC ! Enfin, pas d'ici directement mais de l'aéroport où je restai bloqué dans l'ascenseur. Oui, comme le poids était limité à 600 kilos et que j'avais emmené mes vannes les plus lourdes de 2012, ben je suis jamais monté et mon avion est parti"

"[...] j'ai sauté dans le premier avion pour Moscou. Comme Aéroflot est à l'aviation ce que Costa est aux croisières, l'avantage c'est que vous ne payez que l'aller... le retour est offert par Europ Assistance"

A lire d'urgence en cas de gros blues de rentrée, ou à tout autre moment de l'année d'ailleurs.


"Voyages en absurdie" de Stéphane De Groodt
Chroniques - 200 pages - Editions Plon (2013)
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mercredi 30 juillet 2014

House of Cards

La vengeance est un plat qui se mange glacé...

Frank Underwood (Kevin Spacey) ne sera pas Ministre des Affaires Etrangères (Secretary of State). Le Président Walker, démocrate nouvellement élu, revient sur la promesse de campagne qu'il lui avait faite car après réflexion il pense que Frank sera plus utile à sa majorité s'il reste le whip de son parti à la Chambre des Représentants. Big mistake... car cette "trahison honnête" va enclencher un processus de vengeance implacable de la part d'Underwood.

La saison 1 et la saison 2 sont très différentes en termes d'atmosphère. La saison 1 plante le décor et construit les personnages principaux et secondaires. Tout tourne principalement autour de Frank et de Zoe Barnes (Kate Mara), la journaliste qu'il a choisi d'utiliser pour avancer ses premiers pions. L'épouse de Frank, Claire (Robin Wright), n'a pas un rôle prépondérant dans les manigances de son mari. Elle dirige une ONG mais on se rend compte assez rapidement que c'est une femme de ressources, autoritaire, sans état d'âme, femme d'affaires plutôt que femme de coeur capable de licencier la moitié de son équipe y compris sa plus proche collaboratrice sans sauter un battement.

Un peu comme la demeure des Underwood, dans la saison 2 tout devient plus sombre. Même la touche d'humour prend un tour beaucoup plus sarcastique, pour exemple le dernier plan du premier épisode de la saison 2 : la caméra s'arrête sur les boutons de manchettes tout neufs que Frank Underwood vient de se voir offrir par son garde du corps et qui sont ornés de ses initiales : F. U. (f**k you).

Certains seconds rôles importants de la saison 1 ont totalement disparu de la saison 2. Le fil rouge se resserre et se recentre sur le Président, son vice-Président d'un côté, son ami de longue date Raymond Tusk de l'autre, et au milieu... la Chine.  Dans le rôle de Tusk, Gerald McRaney est très bien. Grande classe, je l'avais adoré en juge au coeur tendre dans la série "Fairly legal" avec Sarah Shahi (dont la critique est d'ailleurs sur ce blog) et j'étais contente de le retrouver ici dans un rôle beaucoup plus étoffé, à sa mesure.

Le personnage le plus intéressant au fur et à mesure qu'il se développe est sans conteste celui de Claire Underwood.  A propos d'elle, son mari a cette phrase hallucinnante, face caméra : "I don't know whether I should be proud or terrified... Probably both" (je ne sais pas si je dois être fier ou terrifié. Probablement les deux.). Le jeu de Robin Wright (bien loin de Kelly Capwell !) est sensationnel. Elle a admis dans une interview que David Fincher ne lui avait donné qu'une consigne de jeu : bouger le moins possible. Elle le réussit au-delà des espérances et son personnage se révèle au fil des épisodes (et plus particulièrement dans la saison 2) une sorte de monolithe de glace, toujours impeccable dans ses tenues couture aux couleurs monochromes le plus souvent très sombres qui mettent en valeur sans outrance son corps de rêve. Elle parle toujours d'une voix extrêmement douce pour énoncer des phrases acérées comme des lames de glace qui touchent au coeur. Il y a bien longtemps qu'un personnage féminin de série n'avait donné à ce point des frissons dans l'épine dorsale. Elle forme avec son mari un couple machiavélique et pervers au dernier degré.  Ils semblent faits l'un pour l'autre, se connaître et se compléter au-delà d'un couple classique et l'expression "partners in crime" n'a jamais semblée plus appropriée.

Côté scénario, les ficelles sont de plus en plus grosses et le président Walker aveugle, bien naïf ou carrément stupide de se laisser manipuler de la sorte. On finit par se demander comment il a pu accéder aux plus hautes fonctions de la première puissance mondiale en étant aussi sot. On peut se demander également pourquoi les scénaristes ont choisi le parti démocrate comme famille pour cette belle bande de psychopathes...

Certaines histoires satellite sont sans intérêt. Telle celle de Doug Stamper, chef de cabinet d'Underwood, et de Rachel, une prostituée qui leur a été d'une grande aide dans la saison 1 et dont les scénaristes ne semblent plus savoir que faire dans la saison 2. Un peu comme on ne sait pas comment se débarasser du corps après avoir commis le crime... Idem pour le petit ami de Zoe Barnes et le hacker qu'il contacte pour l'aider à démasquer Underwood. Cette partie du récit se heurte rapidement à une impasse.

Bref, personnellement, je n'avais pas accroché plus que ça au pilote de cette série et je trouvais la petite originalité de mise en scène (Frank Underwood parle régulièrement face caméra pour se confier à nous téléspectateurs, nous mettant en position de silent partners en quelque sorte) au mieux agaçante, au pire qu'elle s'essoufflerait assez rapidement. Au final ce n'est pas le cas et j'ai regardé les 26 chapitres de ces deux premières saisons avec intérêt et assiduité.

Rendez-vous en 2015 pour la suite des aventures de Frank et Claire Underwood dans l'univers toxique de Washington D.C.

"House of Cards" - Série US - 2013 (note: **/****)


Créée par Beau Willimon
Avec Kevin Spacey, Robin Wright, Michael Kelly, Michel Gill, Sakina Jaffrey, Kate Mara, Corey Stroll, Kristen Connelly, Gerald McRaney, Molly Parker, Mahershala Ali, Reg E. Cathey, Joanna Going, Derek Cecil, etc.
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samedi 26 juillet 2014

Critique du film "L'homme qu'on aimait trop"

Genre: l'espion qui ne l'aimait pas (note: **/****)

Réal. André Téchiné
Avec Guillaume Canet, Catherine Deneuve, Adèle Haenel, Jean Corso, etc.
Scénario d'André Téchiné, Cédric Anger et Jean-Charles Le Roux d'après le livre de Renée Le Roux

Elle s'appelait Agnès Le Roux. Elle avait 29 ans, un sacré caractère, un bel héritage et elle a été prise dans les feux croisés de la guerre des casinos qui opposait sa mère à un mafieux niçois nommé Fratoni. Elle était amoureuse aussi, de Maurice Agnelet, son amant et ancien avocat de sa mère, rongé par l'amertume d'avoir été écarté par cette dernière et passé dans le camp Fratoni par intérêt (par vengeance ?). Agnès Le Roux a disparu à la Toussaint 1977, au volant de sa Range Rover toute neuve et n'est jamais réapparue. Trois mois après la disparition d'Agnès, Maurice Agnelet a vidé ses comptes en banque, sur lesquels il avait procuration, pour mettre l'argent (3 millions de francs !) sur son compte à lui. Il n'a jamais cherché à l'appeler, n'a jamais paru inquiet de sa disparition, n'a jamais agi comme si allait revenir. Il est le seul et c'est, entre autres, ce qui a toujours fait dire à Renée Le Roux qu'il savait que sa fille ne reviendrait pas pour la bonne et simple raison qu'il l'avait tuée. Dès lors cette femme n'a plus eu qu'un seul but : faire condamner Maurice Agnelet pour le meurtre d'Agnès.

Renée Le Roux (ici interprétée par Catherine Deneuve) est une femme de caractère, que l'on n'intimide pas facilement et qui ne renonce jamais. Deneuve est crédible dans ce rôle, même si je n'ai jamais trouvé qu'elle était une bonne actrice. Elle joue toujours pareil, débite ses lignes comme une mitraillette (même ici en italien), avec toujours le même rictus, toujours le même sourcil levé mais elle est Catherine Deneuve. Alors... on s'incline.

Face à elle, Guillaume Canet est un peu fade. Il n'a pas le regard de piranha du vrai Maurice Agnelet. Il semble un peu frêle dans un costume de bad boy trop grand pour lui. Ce n'est pas un mauvais acteur mais il est trop lisse.

Le film a été co-écrit par Jean-Charles Le Roux, le propre frère d'Agnès, il donne une version partisane et totalement à charge contre Maurice Agnelet. Sans surprise donc puisqu'Agnelet, dans la vraie vie, vient d'être condamné à 20 ans de prison pour l'assassinat d'Agnès Le Roux.

La vraie (bonne) surprise vient d'Adèle Haenel, inconnue en ce qui me concerne. Son interprétation d'Agnès Le Roux est impressionnante. D'un naturel bluffant, elle dégage sans forcer l'esprit rebelle que l'on imagine volontiers pour la jeune femme : impulsive, entière, intense, têtue.  La scène dans laquelle elle interprète une danse tribale africaine de façon totalement désinhibée, quasi en transes, sous les yeux d'un Guillaume Canet ébahi est purement exceptionnelle.

Il n'est pas facile de faire un film sur un fait divers réel. Il faut y imprimer sa patte, son style, sa propre lecture de l'affaire. Téchiné est certes un grand réalisateur mais sa version chronologique et trop fidèle de l'histoire Le Roux n'apporte rien de plus que l'épisode de "Faites entrer l'accusé" qui lui fut consacré il y a quelques années. Dommage.
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dimanche 20 juillet 2014

Critique de la pièce "Revenir un jour"

Genre: partir un jour et revenir dix ans plus tard (note: */****)

Alex, Steeve, Jordan et Chris étaient les 1Again4 le boys band le plus populaire de sa génération il y a 15 ans. Mais après quelques années d'un succès phénoménal, ils se sont séparés et ne se sont pas revus depuis 10 ans. Lorsque leur ancienne productrice propose de les réunir pour une tournée revival, ils acceptent avec plus ou moins d'enthousiasme (et pour des raisons différentes) mais les retrouvailles ne se passent pas dans une ambiance de franche camaraderie...

Plutôt pas mal écrite avec quelques répliques purement hilarantes, la pièce traite du phénomène boys band avec humour et un trait de réalisme : comment gérer un succès massif lorsqu'on est (très) jeune, pas préparé et jeté dans la fosse aux lions, et surtout comment gérer un arrêt tout aussi brutal de l'aventure ? Le traitement des personnages est inégal, les meilleures scènes étant réservées à Jordan (Franck Le Hen, également auteur de la pièce) et Steeve (Rodolphe Sand, très postillonnant). Tous les personnages s'accordent à dire que l'ex-chanteur-vedette, Alex (Edouard Collin, correct mais postillonneur numéro 2), avait un charisme énooooorme que personnellement je cherche encore... Déception sur le dernier des quatre, Chris (David Tournay), alors qu'à la base c'est pour lui que j'allais voir la pièce. Plutôt du genre beau gosse, je l'avais déjà vu au théâtre dans "ma première fois" avec Astrid Veillon, et je l'avais trouvé bien. Ici il joue fade, voire faux, et n'a finalement qu'un rôle mineur. Dommage.

L'écriture va crescendo, la mise en scène aussi les scènes sur scène étant entrecoupées de petits films qui nous font voir l'envers du décor (l'enregistrement en studio et les répétitions de la choré du concert) pour finir sur la représentation en public. Et là, le quatuor y va à fond, donne tout et réveille la midinette qui jusque là s'assoupissait gentiment dans son fauteuil d'orchestre. Résultat : ces dix dernières minutes et l'ambiance bon enfant de la pièce, m'ont fait sortir de la salle avec un peps et une bonne humeur qui, au final, me font voir l'ensemble d'un œil indulgent.

Pièce de Franck Le Hen
avec Christine Lemler, Franck Le Hen, Edouard Collin, Rodolphe Sand et David Tournay
mise en scène de Olivier Macé
musique de Frédéric Chateau
chorégraphie de Sévy Villette
au Palais des Glaces - 37 rue du Faubourg du Temple - Paris 10
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mardi 20 mai 2014

Frank Gehry ou la poésie à l'état pur


La première fois que j'ai entendu parler de Frank Gehry, c'était à l'occasion du projet de rénovation de la cinémathèque de Paris.  L'architecte était un certain Frank Gehry.  Etant donné que le monsieur avait déjà dans les 75 ans, on peut dire que je me réveillais un peu tard. Mais mieux vaut tard que jamais car depuis, je me suis pas mal rattrapée...

J'ai voyagé aux quatre coins de la planète à la découverte d'oeuvres de Frank Gehry. Et à chaque fois, j'ai été soufflée, fascinée, époustouflée. La cinémathèque étant peut-être même, au final, son oeuvre la moins marquante à mes yeux.

D'abord il y eut la maison dansante de Prague (aussi appelée Ginger & Fred). Deux immeubles collés l'un contre l'autre, celui de gauche figurant une jupe virevoltant dans un pas de danse démodé.


Puis quelques années plus tard, le Walt Disney Concert Hall à Los Angeles. Le bâtiment fait penser à des partitions qui s'envoleraient contre le ciel californien, d'un bleu impeccable et sans défaut.


Plus récemment la fondation Louis Vuitton, actuellement en construction au coeur du jardin d'acclimation. Un nuage posé sur un écrin de verdure, bientôt prêt à accueillir des oeuvres d'art.


Ou encore le musée Guggenheim de Bilbao, comme un navire s'élançant vers le large, brillant sous le soleil basque, changeant de couleurs selon l'heure du jour ou de la nuit.


Et enfin, mon préféré, l'hôtel de luxe Marquès de Riscal dans le petit village d'Elciego, (presque) perdu dans les terres viticoles de la Rioja. Un entrelas de rubans de couleurs, pavillons flottants au milieu des vignes, sous un soleil de plomb. Superbe.


Lorsque je regarde les oeuvres de Frank Gehry, j'ai peine à croire qu'un monsieur de plus de 70 ans ait pu dessiner des architectures aussi modernes. On les regarde vers le haut, on se sent happés vers le ciel emplis d'une immense poésie, d'une émotion intense.

Frank Gehry serait-il le dernier poète de nos temps modernes à la laideur banalisée ?
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mercredi 14 mai 2014

Life, interrupted...


14 years, 4 months and 13 days ago, my maternal grandmother died.  She was 75 years old.  She was sweet, naive, kind, always there for me.  When she died I lost the single most important person in my life.  Today she would have turned 90.
 
When she died, I wanted to read a poem at her funeral.  I remember the church was so packed, people had to stand outside. I remember there was a map of the world on the back wall of the church, behind Christ on the cross. It's no longer there.

When she died, I thought I was lost. When she died I was not there with her, I was away, celebrating New Year's Eve... Her husband and two of her children, including my mother, were there with her.  I did not want to be there. She knew everything.  I had nothing left to say, nothing left to tell her.  She had always known that she was the most important person in my life and I did not want to believe that she was dying.  It took me a while to come to terms with that.  I did not want to see her lying in her coffin. I wanted to pretend that nothing had happened.  I wanted to pretend that life could go on, business as usual. I've missed her every day since.

When she died, I wanted to read a poem at her funeral.  A poem so sad it reflected exactly the way I felt that day, in front of all those people. I did not read that poem, I read a text that the priest had recommended.  I've always regretted it. So, today, on what would have been her 90th birthday, here is the poem I wanted to read when she died:

Stop all the clocks, cut off the telephone,
Prevent the dog from barking with a juicy bone,
Silence the pianos and with muffled drum
Bring out the coffin, let the mourners come.

Let aeroplanes circle moaning overhead
Scribbling on the sky the message [She] Is Dead,
Put crepe bows round the white necks of the public doves,
Let the traffic policemen wear black cotton gloves.

[She] was my North, my South, my East and West,
My working week and my Sunday rest,
My noon, my midnight, my talk, my song;
I thought that love would last for ever: I was wrong.

The stars are not wanted now: put out every one;
Pack up the moon and dismantle the sun;
Pour away the ocean and sweep up the wood.
For nothing now can ever come to any good.
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samedi 3 mai 2014

The Good Wife gets better and better


Tout commence par un scandale : le procureur de l'état de l'Illinois, Peter Florrick (Chris Noth, plus Mister Big que jamais) se fait prendre en flagrant délit de double tromperie : de sa femme d'un côté, en couchant avec des prostituées façon Eliot Spitzer, de ses électeurs de l'autre puisqu'il est accusé de détournement de fonds publics, délits d'initié et une bonne demi-douzaine d'autres délits plus ou moins sérieux qui vont le conduire direct en prison. On ne plaisante pas avec les politiciens délictueux aux Etats-Unis. Alicia (Julianna Margulies), la bonne épouse (d'où le titre de la série) jusque là mère au foyer, doit ainsi se résoudre à vendre leur superbe maison pour payer les frais d'avocats, à déménager dans un trois-pièces plus modeste à Chicago, mais surtout à reprendre une activité professionnelle. Il y a bien longtemps, avant d'avoir son premier enfant, elle était avocate. Elle retombe par hasard sur Will Gardner (Josh Charles) un camarade de fac de droit qui a monté son propre cabinet avec une associée, Diane Lockhart (formidable Christine Baranski). Il l'embauche au bas de l'échelle.

The Good Wife combine tous les éléments d'une série réussie : un scénario impeccablement écrit, des personnages construits, des acteurs sensationnels (premiers et seconds rôles confondus), une réalisation à la fois sobre et originale, un montage plein d'inventivité mais surtout un ton à la fois séreux et décalé. Les affaires judiciaires mêlent l'air du temps et l'imagination des scénaristes tout en faisant des clins d'œil appuyés à l'histoire politique contemporaine des Etats-Unis (Clinton, Bush Jr, Obama).

L'épisode qui introduit dans le fil de l'histoire les écoutes de la NSA et tous ceux qui y feront référence par la suite sont des petits bijoux d'intelligence. Ils réussissent à démontrer la stupidité de ces écoutes et à les tourner en ridicule tout en gardant un ton général sérieux. La scène (saison 5) où Peter Florrick, désormais gouverneur de l'Illinois, demande instamment à un sénateur que les écoutes visant sa femme et lui-même soient immédiatement stoppées est superbement écrite et interprétée.

Mais ce que la série réussit de mieux, ce sont les relations entre ses personnages, principalement articulées en binômes. Il y a les centraux : Peter-Alicia, Alicia-Will, Will-Diane, Diane-Alicia ; et le deuxième cercle : Alicia-Kalinda, Kalinda-Will, Will-Peter, Peter-Eli (Alan Cumming tout simplement génial). Et puis il y a les "guest stars", toujours dans le même esprit ludique et décalé mais au service d'une histoire on ne peut plus sérieuse : Carrie Preston, Stockard Channing, Rita Wilson, Michael J. Fox, Nathan Lane, Gary Cole, Melissa George, Mamie Gummer, Martha Plimpton, etc.

Elles ne sont pas si nombreuses les séries intelligentes, bien écrites, décalées et sérieuses à la fois, qui installent leurs personnages et prennent leur temps. The Good Wife est de celles-là.  Un OVNI dans l'univers des séries TV US.

"The Good Wife" - Série US - 2009 (note: ****/****)


Créée par Robert et Michelle King, produite par Ridley et Tony Scott
Avec Julianna Margulies, Josh Charles, Christine Baranski, Matt Czuchry, Archie Panjabi, Chris Noth, Alan Cumming, etc.
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vendredi 28 mars 2014

Critique de la pièce "L'aide-Mémoire"

Genre: à oublier (note: 0/****)

Elle débarque un beau matin comme ça chez lui en prétendant chercher un Monsieur Ferrand. Elle s'est trompée d'étage. Il l'éconduit mollement. Elle ne veut pas se laisser éconduire, elle s'asseoit, prend ses aises puis ses marques. Elle finit par s'installer et avec elle s'installe un joyeux bordel dans la vie de ce célibataire maniaque de l'ordre aux 134 conquêtes d'un soir, toutes répertoriées dans un catalogue, sorte d'aide-mémoire. Est-elle dans cet aide-mémoire ?

Dès l'ouverture du rideau, une chose frappe : la scène est encombrée par le décor. Trop de choses se disputent l'espace alors qu'il est clair qu'un homme au placard si bien rangé, si minimaliste, ne saurait vivre dans cette pièce étouffée de meubles et objets étalés sur trois niveaux. Se rajoute à ça que les acteurs ont à peine la place de circuler. Un canapé ou un lit posé devant un portant de costumes tous identiques aurait suffit.

Au fur et à mesure que la pièce se déroule, on se demande rapidement s'ils ont suffisamment répété : ils buttent (tous les deux) sur les mots, cherchent leurs phrases, leur place, semblent mal à l'aise avec leurs gestes, la mise en scène, les accessoires (le porte-manteau se renverse sur Pascal Greggory, clairement pas prévu). On pouvait espérer largement mieux de Ladislas Chollat, qui avait su chorégraphier si superbement "On ne badine pas avec l'amour" de Musset (Théâtre du Ranelagh - 2003) en s'affranchissant d'une mise en scène classique pour y mettre un grain de folie.

Mais tout ceci n'est pas grand-chose par rapport au vrai problème de la pièce : le casting. Sandrine Bonnaire est trop intello pour le rôle, pas assez légère, pas assez décalée, n'a pas le côté désinvolte du personnage et n'est pas crédible pour deux sous. Dans ce rôle il y avait eu jadis Jane Birkin (bon choix), il aurait fallu pour cette réédition une Vanessa Paradis. Face à elle Pascal Greggory a l'air de sortir du coma. Il est mou, trop effacé, trop tendre, trop efféminé pour un macho censé afficher 134 femmes d'un soir au compteur et zéro intention d'en laisser une seule poser ses bagages dans sa tanière, encore moins dans sa vie. L'alchimie entre eux est, de plus, inexistante. On pouvait s'attendre à mieux de deux acteurs aussi expérimentés. J'ai été d'autant plus déçue par Pascal Greggory qu'il avait participé de mon plus beau souvenir de théâtre : "Phèdre" mise en scène par Patrice Chéreau à l'Odéon aux Ateliers Berthier en 2002.

La pièce dure 2h. Je n'avais qu'une hâte : en finir, rentrer chez moi et oublier cette énorme déception.

Auteur: Jean-Claude Carrière
Mise en scène: Ladislas Chollat
Avec Sandrine Bonnaire et Pascal Greggory
Théâtre de l'Atelier - place Charles Dullin - Paris 18e
(jusqu'au 5 juillet 2014)

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samedi 8 mars 2014

de McConnerie à McConnaissance


La première fois que j'ai vu Matthew McConaughey c'était en 1996 dans le film "A time to kill" (le droit de tuer ?) avec Samuel L. Jackson et Sandra Bullock, basé sur le roman de John Grisham. D'entrée il m'avait bien énervée. Déjà le sujet, particulièrement délicat, était traité de façon vulgaire et sans subtilité mais en plus McConaughey surjouait avec une prétention et une arrogance qui méritaient à l'époque une bonne paire de claques.

L'année suivante, il remet ça avec "Amistad". Casting et réalisateur cinq étoiles, mais pas d'amélioration côté jeu pour McConaughey, son accent du sud trop appuyé n'aidant pas. Cette année-là, Matthew devint pour moi McConnerie.

Il se lance alors dans la comédie romantique bas de gamme, aidé par un physique pas désagréable et bien entretenu qui demeure jusque là son seul véritable atout. Mais ça ne fait pas un acteur. Jennifer Lopez craque pour lui dans "The wedding planner" (un mariage trop parfait) en 2001 (moi, toujours pas), il s'ensable dans "Sahara" avec Penelope Cruz, se noie dans "Fool's gold" (l'amour de l'or) avec Kate Hudson, ne décolle pas dans "Ready to launch" (playboy à saisir) avec Sarah Jessica Parker, ne hante personne dans "Ghosts of girlfriends past" (hanté par ses ex) avec Jennifer Garner et continue comme ça une petite décennie (quand même !) dans le registre McConnerie.

Avec quelques années de retard, je tombe un soir sur "How to lose a guy in ten days" (comment se faire larguer en dix leçons) avec re-Kate Hudson et là, à ma grande surprise, je lève un sourcil: tiens, tiens... Certes c'est une comédie romantique comme on en a déjà vu cent, et pourtant... Avec ce film, il donne un premier (petit) aperçu de ce qu'il peut faire bien mais on est encore très loin de l'Oscar.

En 2009, il comprend enfin qu'il ne va nulle part et décide de faire un break. Il revient en 2011 avec "The Lincoln Lawyer" et là j'ai (enfin !) levé le deuxième sourcil : une sobriété de jeu dont je le croyais bien incapable, une maturité inespérée, un film intelligent, bien fichu (à part le rebondissement final un poil capilotracté). Il enchaîne avec l'intense et très noir "Killer Joe" (le choc, dans tous les sens du terme), "Mud" et "Magic Mike", dix minutes extraordinaires chez Scorsese face à DiCaprio dans "the wolf of Wall street", en sidéen qui ne veut pas mourir dans "Dallas Buyers Club" mais enfin et surtout, superbe, en flic introverti, intense, chtarbé mais perspicace qui ne lâche rien dans "True detective" sur la chaîne américaine HBO.

Un acteur, un vrai, est-il né ? Depuis trois ans, il a fait les bons choix et délivré de superbes performances, peut-il garder ce niveau ? S'est-il trouvé ?

Une chose est sûre, quand on voit ses discours de remerciements aux différentes récompenses qu'il a reçues ces derniers mois on se dit qu'il vaut mieux que quelqu'un d'autre continue d'écrire ses textes. L'espace de trois ou quatre fois cinq minutes, j'ai retrouvé le McConnerie des grands soirs : décalé, déjanté, à côté de la plaque, too much, limite incompréhensible, pas humble pour deux sous et à la fois conscient du chemin parcouru, de ce qu'il était et de ce qu'il est devenu : de McConnerie à McConnaissance.

2013 fut sans contexte l'année Matthew McConaughey. Était-ce une année charnière ou l'apogée de sa carrière ? L'avenir nous le dira.

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jeudi 27 février 2014

Elementary, my dear Sherlock


Après avoir vu avec délectation et assiduité les trois saisons de la série "Sherlock" de la BBC, superbe adaptation de l'oeuvre de Sir Arthur Conan Doyle, je n'avais guère prêté attention à "Elementary". Quel intérêt ? "Sherlock" est l'adaptation ultime, à même reléguer Jeremy Brett (pourtant un acteur que j'adore) au second plan, voilà ce que je me disais.

Je me le dis toujours car Sherlock reste un bijou sur tous les plans : écriture, adaptation, casting, jeu d'acteurs, tout est parfait. Tout est très intello, très subtil, très british et même si j'avoue que la saison trois m'a un peu déçue (elle est en dessous des deux premières), Elementary ne pouvait pas lui arriver à la cheville.

Certes ce n'est pas le cas, mais Elementary n'en demeure pas moins une agréable surprise. L'alchimie entre Jonny Lee Miller et Lucy Liu fonctionne, l'adaptation est plutôt fûtée : Holmes, après une cure de désintox, a décidé de quitter Londres pour s'installer à New York où son père lui paie pour six semaines les services d'une "nounou" dont la mission sera de l'empêcher de retomber dans la drogue.  Tous les ingrédients de Sherlock Holmes sont là mais chacun est légèrement détourné de l'original : Watson s'appelle Joan et non John car c'est un fille, New York n'est pas Londres mais JLM est bien anglais lui, Irene Adler est américaine et Mycroft nous fait découvrir un Rhys Ifans pour le moins inattendu.

Le jeu parfois borderline epileptique de Jonny Lee Miller (vaguement aperçu dans Trainspotting ou au bras d'Angelina Jolie dont il fut le premier mari au début des années 1990) contraste avec celui tout en sobriété de Lucy Liu, bien loin d'Ally McBeal et de Charlie's Angels. Il est le feu, elle est la glace. Conan Doyle avait fait de son héros un sociopathe et c'est exactement comme ça que le joue Jonny Lee Miller : un enfant surdoué au sens de l'observation décuplé, qui balance toutes les vérités, qu'elles soient bonnes à dire ou non, avec un je-m'en-foutisme, un narcissisme et une prétention remarquables.

Les histoires de la première saison sont plutôt bien fichues, sauf que les producteurs ne se sont pas foulés pour le casting : le coupable est toujours l'acteur plus ou moins célèbre qui joue la guest star de l'épisode. Au bout du troisième on a compris. Cela a néanmoins l'avantage de nous permettre de nous concentrer sur l'écriture et l'enquête puisqu'on a déjà deviné whodunit. Le plus intéressant reste la relation Holmes-Watson qui se développe sans jamais pencher vers l'art (délicat) de la séduction.

Seule (grosse) déception : le dernier épisode n'est clairement pas à la hauteur du reste de la saison. La découverte de la véritable identité de Moriarty, un personnage central de l'histoire du détective londonien (son ennemi juré) et jusque là bien incorporé dans la pâte, fait retomber l'intérêt comme un soufflé. Dommage.

Néanmoins Elementary se regarde avec plaisir, plus fun, plus ludique, moins virtuose et intello que son alter ego de la BBC. Les deux ne jouent clairement pas dans la même cour.

Addendum du 14 mars 2014 - Cerise sur le cupcake : dans la saison 2, Watson porte régulièrement des robes Victoria, Victoria Beckham. This show gets better and better!

"Elementary" - Série US - 2012 (note: **/****)


Créée par Robert Doherty
Avec: Jonny Lee Miller, Lucy Liu, Jon Michael Hill and Aidan Quinn

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lundi 24 février 2014

Critique du livre "le quatrième mur"

Genre: lire Antigone à Beyrouth

Auteur: Sorj Chalandon (Grasset - 2013)

La première fois que j'ai vu le nom de Sorj Chalandon c'était en 1993, associé à ceux de Lorenzo Mattoti et Jean-Jacques Goldman sur l'album de ce dernier "Rouge". Un album-concept qui unissait trois talents : un auteur-compositeur-interprète, un peintre, un écrivain.  Déjà j'avais été frappée, touchée, émue par le style Chalandon. Aujourd'hui, lorsque je lis les articles du Canard Enchaîné, il me faut à peine cinq lignes pour savoir si c'est lui ou pas qui tient la plume. Le style Chalandon se reconnaît.

"Le quatrième mur" est le premier roman que je lis de cet écrivain. Un cadeau de mon homme pour Noël. L'écriture est là, toujours aussi belle, vibrante, profonde. Elle prend aux tripes, elle fait monter les larmes. Il faut dire que l'histoire prête aux émotions intenses : jouer Antigone d'Anouilh à Beyrouth, pendant la guerre. Arracher pour quelques heures, les corps au métal, les chairs au mortier, leur redonner vie par les mots.

Georges (Sorj?) est prof d'histoire à Paris à la fin des années 70. Il se lie d'amitié avec Samuel, un grec juif, un ami, un frère, qui n'a qu'une obsession : monter Antigone à Beyrouth, avec des acteurs de toutes religions, de tous les camps, comme un pied de nez à la guerre. Mais Samuel a un cancer et ne peut pas aller au bout de son projet, alors Georges lui promet de le faire pour lui, par procuration, et de tout venir lui raconter sur son lit d'hôpital.

Entre Paris et Beyrouth, en 1982, Georges vivra les horreurs de la guerre, des bébés qu'on égorge, des enfants qu'on explose, des femmes qu'on abat et le retour à la paix, la culture, la douceur de sa vie parisienne avec sa femme et sa fille. Comment vivre la guerre et demeurer indemne ? Comment voir un enfant déchiqueté sous ses yeux et reprendre sa vie, la vie, comme si de rien n'était ? Comment échapper aux bombes, aux tirs, aux lames, presque perdre ses yeux, avoir le corps en miettes et garder l'esprit sain ? J'ai regagné ma famille comme un écolier son lundi matin.

Le quatrième mur est le mur de lumières entre la scène et la salle. Un mur impalpable, invisible presque, comme cette ligne entre la guerre et la paix, une religion et une autre, un pays et un autre, la vie et la mort. C'est aussi un livre superbe, qui a été récompensé fin 2013 par le prix Goncourt des lycéens.
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mardi 11 février 2014

Critique du film "Le pianiste"

NDLR: j'ai écrit cette critique le 7 octobre 2002, après avoir vu le film à sa sortie, sur un site de critiques où j'écrivais régulièrement alors et qui a fermé en 2007. Dimanche soir, Arte diffusait un documentaire intitulé "Roman Polanski: a film memoir". J'ai alors repensé à cette critique. La voici.

Cher Monsieur Polanski,

Avant vous, je dormais. Avant de voir "Le Pianiste" hier soir, je croyais savoir et je ne savais rien. Je croyais comprendre et je n'avais rien compris. Je n'avais pas ressenti une telle émotion cinématographique pour un film traitant de l'Holocauste juif depuis "Le Choix de Sophie". Et encore, j'étais trop jeune pour vraiment tout comprendre et tout ressentir alors. Mais hier soir, vous m'avez réveillée. En sursaut.

Parce qu'un soldat allemand désignant au hasard d'un caprice une demi-douzaine de prisonniers juifs, les couchant face contre terre et les abattant de sang froid l'un après l'autre, qui se retrouve à cours de munitions juste avant le dernier et qui prend son temps pour recharger devant lui avant de lui mettre une balle dans la tête sans sauter un battement de cils, ça prend aux tripes et ça donne envie de vomir. Ça m'a fait dix fois plus d'effet qu'un Ralph Fiennes tirant à vue sur les prisonniers du camp qu'il dirige pour se distraire et passer le temps. Pas que je veuille comparer car à mes yeux c'est incomparable. Là où Spielberg avait soigné sa photographie, là où son noir et blanc était lisse et beau à regarder (tout comme ses premiers rôles d'ailleurs), là où peut-être il avait besoin de ce noir et blanc pour amplifier les émotions, vos couleurs sont laides et sales, votre héros est décharné, les émotions que vous provoquez font battre le cœur au fond de la gorge.

Adrien Brody fait passer dans un regard, dans un tremblement à peine perceptible, toute sa peur, toute sa détermination. Parce qu'on ressent sa peur, qu'elle est là dans la salle avec nous, en nous. Il est magnifique et fabuleux.

J'ai failli sortir de la salle dix fois durant la première heure tellement c'était insoutenable. Pas à cause de scènes sanglantes ou quoi mais plutôt à cause d'une violence froide, chirurgicale, administrative, filmée de façon neutre, sans musique, sans effets dramatiques, sans effet tout court. C'était horrible et bouleversant.

Votre film c'est l'horreur et la grâce. L'horreur d'un homme à qui on a tout volé à part sa vie. La grâce d'une scène où il trouve un piano et joue dans sa tête, en faisant courir ses mains sur le clavier sans enfoncer une seule touche, pour ne pas faire de bruit et éveiller les soupçons des voisins sur lui. L'horreur de se retrouver face à un officier allemand qui lui demande de jouer pour lui, sans savoir si quand il aura fini de jouer il sera épargné ou abattu. La grâce de tomber sur un SS mélomane qui l'aidera à passer les dernières semaines avant l'entrée des russes dans Varsovie. L'horreur et la grâce.

Peut-être que vous seul étiez capable de faire un tel film. Parce que vous avez eu cette enfance-là, parce que vous avez eu cette vie-là, parce que vous avez connu la souffrance et le deuil au-delà de ce qu'on peut sans doute imaginer, parce que Sharon Tate et Charles Manson.

Hier soir je suis sortie de la salle le souffle court, j'avais besoin d'air frais. J'étais sonnée comme un boxeur au dixième round, mes cordes vocales étaient tellement nouées que j'en avais mal à la gorge et chaque fois que j'essayais de dire un mot, les larmes coulaient toutes seules le long de mes joues. Je suis rentrée chez moi et je crois que pour la première fois de toute ma vie, j'ai réalisé ce qu'avait été le martyre de ces gens-là. Comme si demain on décidait de me parquer dans un camp parce que je suis Corse, ou catholique ou parce que j'ai les yeux marrons. Pour rien, pour un détail.

Je suis sortie du métro avant ma station et j'ai fait le reste à pieds pour être à l'air libre. Libre. Et bizarrement, en marchant dans la nuit, je me suis mise à fredonner une vieille chanson de Renaud. Pourquoi celle-là je ne sais pas, mais elle s'est imposée d'elle-même.

Et quand je me réveille et que je suis en vie,
C'est tout ce qui m'importe bien plus que le bonheur
Qui est affaire de médiocres et qui use le cœur…
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mardi 28 janvier 2014

Critique du film "Le loup de Wall street"

Genre: Glengarry Glen Wolf    (note: ***/****)


Réal. Martin Scorsese
Avec Leonardo DiCaprio, Jonah Hill, Margot Robbie, Kyle Chandler, Rob Reiner, Joanna Lumley, Jean Dujardin et Matthew McConaughey

Jordan Belfort est un sale con. De ceux que même Leonardo DiCaprio n'arrive pas à rendre sympathique. Pourtant quand il a traversé l'East river du Queens de son enfance pour débarquer à Wall street, c'était un bon gars qui avait juste l'ambition de réussir.  Mais après un passage éclair entre les pattes d'un Matthew McConaughey tout simplement ex-tra-or-di-nai-re qui nous donne la meilleure scène du film, Belfort est un autre homme.  Ces dix minutes-là rappellent en virtuosité celles d'un certain Alec Baldwin, vingt ans plus tôt, dans le film "Glengarry Glen Ross".

S'en suivent 3h épileptiques durant lesquelles Jordan Belfort va s'en mettre plein les poches (et le nez) et nous en mettre plein les yeux (et les oreilles). Par moments, grâce aux talents conjugués de Martin Scorsese (aux accents Tarantinesques ici) et Leonardo DiCaprio, on se laisserait presque convaincre que ces mecs-là ne voyaient pas le mal, qu'ils avaient juste assez de niaque et de bagout pour vendre n'importe quoi à n'importe qui.

Au final, on ressort de ce film essorés, pas sûrs du tout que la sanction ait été à la hauteur de la faute, ni que la leçon ait réellement été apprise mais certains que la spirale infernale du toujours plus d'argent rend fou.

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Critique du film "YvesSaintLaurent"

Genre: le talent, cette si grande souffrance...    (note: **/****)

Réal. Jalil Lespert
Avec Pierre Niney, Guillaume Gallienne, Laura Smet, Marie de Villepin, Marianne Basler, etc.

Il y a des films qu'on attend et ceux qui nous attendent. YvesSaintLaurent est sans doute de ceux-là. YSL fut mon initiation au monde du luxe. A 15 ans, mon premier objet de convoitise fut une bouteille du parfum "Paris". Je l'ai porté huit ans. Encore aujourd'hui je le reconnais à dix mètres et je me retourne systématiquement dans la rue sur toute femme qui le porte. C'est pavlovien. Je veux voir à quoi ressemble la femme Saint Laurent d'aujourd'hui.

Avant d'aller voir ce film, j'avais vu sur Paris Première un documentaire sur le couturier. Il s'y racontait lui-même et d'autres, ses proches (sa mère, Pierre Bergé, Betty Catroux, Loulou de la Falaise, Edmonde Charles-Roux), le racontaient aussi. Ce documentaire m'a permis de mieux comprendre car le film de Jalil Lespert est un peu décousu (un comble). Il veut tout dire, trop dire.

Yves Mathieu-Saint-Laurent (son vrai nom) a eu une vie difficile et compliquée. Il s'est su très tôt homosexuel, ce qui lui valut quelques raclées infligées par ses petits camarades de classe dans l'Algérie colonisée des années 40. Très tôt aussi il a su qu'il voulait habiller les femmes. Il entre chez Dior à 19 ans et fait ses armes. A la mort de Monsieur Dior, il reprend la boutique, à 21 ans. Il est trop jeune, trop émotif, il a trop de pression, la guerre d'Algérie menace sa carrière, sa santé mentale. Il finit en psychiatrie au Val de Grâce. Avant cela il avait rencontré Pierre Bergé : son ami, son compagnon, son sauveur.  Pour le sauver, Bergé lui dit "le talent tu l'as, le reste je m'en occupe". Et c'est ce qu'il fera cinquante ans durant. Yves n'aura qu'à dessiner, Bergé gèrera tout le reste, sa vie même, et supportera tout par amour, par admiration aussi.

Pierre Niney est habité. Il est à la fois surprenant et parfait. Mais la vraie performance vient de Guillaume Gallienne car il est plus difficile d'interpréter quelqu'un de "normal" qu'un hyper-émotif, drogué, hyper-sensible, une icône. Ils étaient les deux faces d'une même pièce et les acteurs rendent formidablement cette relation singulière.

YvesSaintLaurent est un film souvent maladroit, pas hagiographique pour deux sous, empreint d'une belle émotion, d'une grande nostalgie, bien aidé en cela par des morceaux de musique parfaitement choisis.
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vendredi 3 janvier 2014

Pandora's box

Parfois, sans qu'on sache vraiment pourquoi, une personne de notre entourage se croit maline et balance une vérité plus ou moins vraie, plus ou moins bonne à dire. Souvent, cet événement se produit lors de fêtes ou déjeuners familiaux et parfois ça tombe sur Noël. Pas de trèves des confiseurs pour Noël cette année, c'est entartage gratos sur trois générations. On ne sait pas trop d'où ça sort, ni pourquoi maintenant, mais ça sort. Maintenant.

Bien sûr, on pourrait renchérir, on pourrait écarter légèrement la paille qui est dans notre oeil pour souligner la poutre qui est dans celui de cette personne mais on peut aussi décider (ou choisir) de laisser couler.

Comme disait Viktor Frankl "on peut tout vous prendre dans la vie, tout sauf une chose : comment vous choisissez de réagir face à une situation".  Eh bien moi, ce jour-là (comme beaucoup d'autres avant celui-là) j'ai choisi de ne pas ouvrir la boîte de Pandore.

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