mercredi 27 août 2008

Is it (still) OK to dream?

Depuis deux jours je visionne assidûment les discours des stars de la convention démocrate américaine qui se tient actuellement à Denver. Convention au terme de laquelle, demain soir, Barack Obama sera investi officiellement candidat démocrate aux élections présidentielles de novembre. Et qui sait, peut-être que ces élections enverront pour la première fois de l'histoire des Etats-Unis un homme de couleur à la maison blanche.

Oui, je dis "de couleur". Je ne dis pas "noir", je trouve bizarre que pour parler d'Obama les gens disent "un noir" car en fait il n'est pas plus noir que blanc : il est les deux. Certes il est naturellement très mat de peau mais utiliser le terme "homme noir" est faire un raccourci qui me dérange. Et de plus en plus.

Mais je reviens à la convention démocrate et surtout aux discours de Michelle, Hillary, Ted. Trois personnalités, trois styles, trois figures.

J'ai trouvé le discours de Michelle Obama émouvant, parce qu'elle y parle de son père décédé, de son enfance, de son frère, de sa mère, de ce quartier ouvrier de Chicago dont elle vient. Elle en parle avec le coeur (et beaucoup avec les mains). Elle en impose cette brillante avocate. Elle a un visage naturellement dur, anguleux, elle est grande, plutôt mince, elle se tient droite. En d'autres termes : elle est intimidante. Elle fait intellectuelle et pas franchement proche du petit peuple même si c'est de là qu'elle vient. Son discours est émouvant mais malgré tout presque détaché. Il a clairement été écrit pour faire ressortir son soft side. On a parfois l'impression qu'elle récite, n'est pas très convaincue, sans doute peu à son aise dans l'exercice. Mais l'effort est louable.

Avec Hillary c'est à la fois tout pareil et l'inverse. Hillary c'est une machine de guerre. Dans son tailleur pantalon bouton d'or sans nuance, avec son regard en acier trempé, sa voix forte et très (trop) assurée, elle assène des vérités comme on dispense un cours magistral. Là où Michelle tatonnait, Hillary est rodée. Elle en impose et elle est là pour ça. Elle le veut. Elle a le sens de la formule ("no way, no how, no McCain"), de la rhétorique, son discours est impeccable, bien huilé. Elle dit tout ce qu'il faut, avec la bonne intonation, le bon body language, juste ce qu'il faut d'humour, juste ce qu'il faut de conviction, juste ce qu'il faut d'enthousiasme, de ferveur. Juste ce qu'il faut de maîtrise. Pourtant l'émotion passe, imperceptiblement, sans doute presque malgré elle.

Mais l'émotion pure c'est à Ted Kennedy qu'on la doit. Comme il y a 28 ans, à cette même convention démocrate, alors qu'il n'avait pas obtenu l'investiture de son parti, et qu'il a fait un des plus beaux discours de sa carrière. Aujourd'hui à 76 ans, atteint d'un cancer du cerveau incurable, le petit frère de John et de Bobby vient transmettre la torche, la flamme, l'espoir. Sa présence seule est émouvante car on sait bien que ce sera sa dernière convention démocrate, que dans quatre ans il ne sera plus là. Il parle de ses frères, de leurs rêves lunaires grand format devenus réalité, de leur rêve d'une Amérique meilleure pour chacun qui reste à réaliser. La fin de son discours fait un écho parfait à celui de 1980... et me tire les larmes encore et toujours.

Ce genre de discours me serre toujours l'estomac. Ce rêve d'une vie meilleure, ça fait si longtemps qu'on le rêve, qu'on en parle, et qu'il ne se réalise pas. Toutes ces belles paroles, ces grandes théories, se réaliseront-elles un jour ? John Kennedy a été assassiné il y a 45 ans et où en sommes-nous ? Où en est le monde ? Toujours les mêmes problèmes, toujours les mêmes guerres, toujours les mêmes privilèges, les mêmes difficultés (économie, racisme, extrêmisme religieux) plus quelques autres en prime (réchauffement climatique, épuisement des ressources naturelles) et quelles solutions ? Quelles réponses ? Quelles actions ? Toujours les mêmes discours, les mêmes promesses, les mêmes espoirs, les mêmes déceptions. Toujours.

Alors si les discours des Kennedy me tirent les larmes c'est certes parce que ce qu'ils disent depuis 50 ans est émouvant, qu'ils font de belles phrases qui me font battre le coeur au fond de la gorge systématiquement mais c'est aussi parce que je me dis de plus en plus souvent que finalement depuis 50 ans rien n'a changé et que rien ne changera jamais. L'Homme n'est pas foncièrement bon, nous sommes avant tout individualistes et si j'ai une plus belle vie que mon voisin alors qu'il bosse aussi dur que moi tant pis pour lui.

Jean-Jacques Goldman a dit un jour "les chansons sont souvent plus belles que ceux qui les chantent". Je crains qu'il en soit de même pour les discours des hommes politiques.

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Critique du film "La Fille de Monaco"

Genre: nettoyage à sec (note: ** / ****)

Réal. Anne Fontaine
Avec Fabrice Lucchini, Roschdy Zem, Louise Bourgoin, Jeanne Balibar, etc.

J'aime beaucoup les films d'Anne Fontaine, de "nettoyage à sec" à "comment j'ai tué mon père", je leur trouve toujours une finesse, une noirceur, des petits bijoux de films noirs. Cette fille de Monaco n'échappe pas à la règle.

Enfin on retrouve le Fabrice Lucchini qu'on aime, enfin on se rappelle quel acteur phénoménal il sait être ! Quand il lève deux secondes le nez de son nombril, quand il laisse son égo surdimensionné au vestiaire, quand il arrête de s'écouter parler (hurler) et surtout quand il est dirigé au cordeau par une réalisatrice qui sait exactement ce qu'elle veut tirer de lui et y parvient : ni trop, ni trop peu, tout simplement parfait.

Face à lui Roschdy Zem, monolythique, impassible, minéral. Il observe, garde ses distances (6 mètres règlementaires), ne juge pas mais va commettre un faux pas, un seul, qui va l'entraîner dans une spirale descendante qu'il ne pourra maîtriser. Une scène charnière qui change tout : l'avocat dîne seul, fatigué de la surveillance à 6 mètres dans son dos de son garde du corps il lui demande (ordonne ?) de venir s'asseoir à sa table, avec lui. C'est une erreur car la barrière délimitant les rôles de chacun est franchie, deux mondes vont se mélanger et rien ne sera plus comme avant. Le révélateur de ce changement fatal est superbement interprété (dans les deux sens du terme) par une bombe atomique pétillante comme une coupe de mauvais mousseux.

Incroyable Louise Bourgoin, remarquée en Miss Météo du Grand Journal de Canal+, qui donne ici une première performance tout à fait honorable. Si écervelée semble être son état naturel, elle sait aussi faire passer des émotions plus graves tout aussi naturellement.

L'écriture est impeccable même si on sait déjà comment tout ça va finir au bout de dix minutes de film. On pourra néanmoins regretter que la réalisatrice ait choisi d'appuyer un peu trop lourdement le trait par la bouche de Maître Lucchini dont les plaidoieries mettent des mots sur ses émotions propres, hors procès. Anne Fontaine se sert de ces scènes pour nous faire bien comprendre ce qu'il passe, des fois que sa mise en scène et sa direction d'acteurs soit un poil trop subtile pour les spectateurs lambda que nous sommes. Dommage...

Enfin, je ne voudrais pas terminer ce post sans parler d'une de mes chouchouttes : Jeanne Balibar. Ses dix minutes (à tout casser) à l'écran valent à elles seules le prix du billet.

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Critique du film "The Dark Knight"

Genre: why so serious... (note: * / ****)

Avec Christian Bale, Aaron Eckhart, Michael Caine, Morgan Freeman, Maggie Gyllenhaal, Gary Oldman, Heath Ledger, Eric Roberts, etc.

Celui-ci depuis le temps qu'on en parlait, depuis le temps qu'on couvrait d'éloges la performance d'Heath Ledger à grands coups de pronostics d'Oscar posthume à la prochaine cérémonie, j'avais à la fois une impatience non feinte et une appréhension légitime à y aller. D'abord y'a la durée : 2h30 de Batman, faut tenir quand même... Ensuite quand on me dit trop que c'est bien, je suis toujours déçue par le film.

Mais bon, j'y suis. Je dois avouer que j'avais bien aimé le précédent (Batman begins) alors que les puristes l'avaient vilipendé. Ici, on nous flanque une collection de personnages à s'y perdre entre les récurrents de l'opus précédent (Bale, Caine, Freeman, Oldman) et les petits nouveaux (Eckhart, Ledger, exit Katie Holmes hello Maggie Gyllenhaal bof, la belle gueule cassée d'Eric Roberts). Toute cette galerie donne immédiatement l'impression d'un film surpeuplé qui se perd dans un labyrinthe d'histoires parallèles qui se croisent, se décroisent, se recroisent et finissent par nous faire bailler d'ennui. Et quand on croit que c'est fini, y'en a encore.

Michael Caine est une fois de plus parfait en majordome toujours un brin ironique ("Prenez la Lamborghini, Master Bruce, c'est beaucoup plus discret"), idem pour Morgan Freeman. Christian Bale n'est pas plus expressif qu'une huître mais comme il est très agréable à regarder on lui pardonne. Dans l'ensemble la distribution est à la hauteur.

Et Heath Ledger dans tout ça, me direz-vous... Honnêtement ? Je le préférais dans la version ristretto de la bande annonce. Certes il est à fond dans son personnage du Joker, il y a une ou deux scènes qui resteront sans doute dans les esprits ("Whyyy soooo serious...?") mais de mon point de vue tous les éloges qui ont été déversés sur lui ont été davantage motivés par sa fin tragique que par sa réelle performance.

Par contre, les effets spéciaux et le maquillage d'Aaron Eckhart à la fin du film sont superbes.

Bref, dans l'ensemble tout ça est très surestimé.

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lundi 4 août 2008

Critique du film "Le premier jour du reste de ta vie"

Genre: famille, je vous aime (note: *** / ****)

Réal. Rémi Bezançon
Avec: Jacques Gamblin, Zabou Breitman, Pio Marmaï, Marc-André Grondin, Déborah François, Roger Dumas, Cécile Cassel, etc.

Les films familiaux, pour être honnête, moi ça me prend le chou. Pour diverses raisons, les deux principales étant que soit c'est gai, c'est plein de bons sentiments à la Janine Boissard et son "Esprit de Famille" et ça file mal au coeur ; soit c'est plein de rancoeur, de bruit et de fureur à la "Festen" et ça fait mal au coeur. Dans les deux cas, c'est pas mon truc. Donc inutile de dire que j'y allais un peu en traînant les pieds.

Et puis va savoir... Au début on rit, on s'amuse, même si le réalisateur pose déjà l'air de rien les fondations de quelques fêlures à venir (la mère ne cadre que son fils aîné sur une photo pour laquelle il pose avec sa petite soeur). On rit parce que l'époque des jeunes années de ce couple-là, avant les enfants, on l'a un peu connue aussi. Les pantalons pattes d'eph, les cols roulés, la période hippie... C'était nos parents, c'était nous, c'était vous. C'était une époque où les mères restaient encore souvent au foyer pour élever leurs enfants pendant que Monsieur se crevait au travail pour leur donner une éducation. C'était des vies passées ensemble jusqu'à ce que la mort nous sépare, des divorces exceptionnels et non pas réguliers. C'était des ados rebelles et pleins de vie, avec des coups, des coups durs, des coups de gueule, des blessures, des espoirs, des déceptions. C'était hier et c'est aujourd'hui.

Une très jolie histoire qui ne contourne pas les écueils de la vie, bien écrite, bien filmée, superbement jouée par tous les acteurs sans exception. Pas mièvre, pas pathos, pas démago non plus. Une analyse très fine des rapports parents / enfants, père / fils, mère / fille, mari et femme, qui égrenne toute une palette de situations et de sentiments au fil de la vie.

Le titre du film est tiré d'une chanson d'Etienne Daho et ce n'est sans doute pas un hasard si toutes les musiques et chansons sont parfaites - avec mention spéciale à Lou Reed et son "Perfect Day" qui nous fait monter quelques vagues d'émotion.

En sortant, on se dit que c'est vrai qu'on ne choisit pas sa famille et qu'il faut vivre avec, faire avec. Que les relations en général ne sont pas forcément simples, qu'on est souvent déçus, souvent blessés, qu'on attend parfois beaucoup et qu'on n'a souvent pas grand chose parce qu'au fond chacun fait de son mieux et que ce mieux peut ne jamais suffire. Mais chaque jour on avance, on apprend, on grandit. Chaque jour on recommence, chaque jour est un autre jour.

Parce que le premier jour du reste de nos vies, c'est tous les jours.

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