Auteur: Sorj Chalandon (Grasset - 2013)
La première fois que j'ai vu le nom de Sorj Chalandon
c'était en 1993, associé à ceux de Lorenzo Mattoti et Jean-Jacques Goldman sur
l'album de ce dernier "Rouge". Un album-concept qui unissait trois
talents : un auteur-compositeur-interprète, un peintre, un écrivain. Déjà j'avais été frappée, touchée, émue par le
style Chalandon. Aujourd'hui, lorsque je lis les articles du Canard Enchaîné,
il me faut à peine cinq lignes pour savoir si c'est lui ou pas qui tient la
plume. Le style Chalandon se reconnaît.
"Le quatrième mur" est le premier roman que je
lis de cet écrivain. Un cadeau de mon homme pour Noël. L'écriture est là,
toujours aussi belle, vibrante, profonde. Elle prend aux tripes, elle fait
monter les larmes. Il faut dire que l'histoire prête aux émotions intenses :
jouer Antigone d'Anouilh à Beyrouth, pendant la guerre. Arracher pour quelques
heures, les corps au métal, les chairs au mortier, leur redonner vie par les
mots.
Georges (Sorj?) est prof d'histoire à Paris à la fin des années 70. Il se lie d'amitié
avec Samuel, un grec juif, un ami, un frère, qui n'a qu'une obsession : monter
Antigone à Beyrouth, avec des acteurs de toutes religions, de tous les camps,
comme un pied de nez à la guerre. Mais Samuel a un cancer et ne peut pas aller
au bout de son projet, alors Georges lui promet de le faire pour lui, par
procuration, et de tout venir lui raconter sur son lit d'hôpital.
Entre Paris et Beyrouth, en 1982, Georges vivra les
horreurs de la guerre, des bébés qu'on égorge, des enfants qu'on explose, des
femmes qu'on abat et le retour à la paix, la culture, la douceur de sa vie parisienne
avec sa femme et sa fille. Comment vivre la guerre et demeurer indemne ?
Comment voir un enfant déchiqueté sous ses yeux et reprendre sa vie, la vie, comme si de rien n'était ?
Comment échapper aux bombes, aux tirs, aux lames, presque perdre ses yeux,
avoir le corps en miettes et garder l'esprit sain ? J'ai regagné ma famille comme un écolier son lundi matin.
Le quatrième mur est le mur de lumières entre la scène et
la salle. Un mur impalpable, invisible presque, comme cette ligne entre la
guerre et la paix, une religion et une autre, un pays et un autre, la vie et la
mort. C'est aussi un livre superbe, qui a été récompensé fin 2013 par le prix
Goncourt des lycéens.
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