Genre: la tectonique des sentiments (note: **/****)
Adam et Louise se sont aimés cinq ans, jusqu'à ce qu'elle le quitte, lasse de ses infidélités au point de mettre un océan entre elle et lui. Il lui écrit, propose de rester amis. Elle refuse mais se laisse néanmoins attirer dans cette relation épistolaire qui semble l'agacer au début avant de se prendre au jeu.
J'y suis allée pour elle. J'ai toujours eu une certaine admiration pour Pietragalla, peut-être parce que nous avons des origines communes (la Corse), parce qu'elle fut une danseuse étoile magnifique que je suis allée admirer maintes fois, parce qu'elle a cette personnalité singulière, ce physique statuesque féminin/masculin où un corps de sylphide le dispute à un visage taillé à la serpe sous une chevelure de jais, cette voix grave.
Au début on la sent crispée. Son ton est juste mais elle dit son texte trop vite, sans y mettre l'émotion qu'elle devrait. Je me suis dit aïe... D'autant qu'à ma grande surprise, côté jardin, Eric-Emmanuel Schmitt acteur est très bien. Heureusement, le metteur en scène, Steve Suissa a eu la bonne idée de ponctuer la pièce d'extraits de l'opéra "Tristan et Iseult" de Wagner. Sur l'un des premiers morceaux, Pietragalla danse. Avec le haut du corps uniquement, mais elle incarne la musique et ce retour aux sources de sa passion lui permet de se détendre. A partir de ce moment, elle est très bien.
Qu'est-ce que l'amour ? Pourquoi aime-t-on ? Peut-on décider d'aimer ou de ne plus aimer ? Existe-t-il, comme dans Tristan et Iseult, un filtre d'amour ? "Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour" disait le poète Pierre Reverdy et les hommes et les femmes ont, selon Eric-Emmanuel Schmitt, des façons bien différentes de prouver leur amour. Déjà dans "La nuit de Valognes", il se penchait sur le sujet en faisant le procès de Don Juan. Un Don Juan à qui la naïve Angélique disait "Vous, vous ne m'aimez pas et vous ne pouvez vous forcer à m'aimer. Eh bien moi, c'est pareil : je vous aime et ne peux me forcer à vous désaimer". Ici, Louise sait qu'elle ne peut désaimer Adam, alors elle va s'éloigner pour lui manquer, pour mieux le manipuler, de loin.
Le texte est poétique, servi par une mise en scène simple mais qui réussit à faire surgir l'émotion, une émotion renforcée par une musique très finement utilisée.
Eric-Emmanuel Schmitt est bizarrement l'auteur dont j'ai vu le plus de pièces au théâtre, parfois avec beaucoup de plaisir (La nuit de Valognes, Variations énigmatiques, Ma vie avec Mozart, Le visiteur), parfois moins (La tectonique des sentiments). Cet Elixir d'amour, fait partie de la première catégorie. Une très jolie surprise.
Auteur : Eric-Emmanuel Schmitt
Mise en scène : Steve Suissa
Avec Marie-Claude Pietragalla et Eric-Emmanuel Schmitt
Théâtre Rive Gauche - 6 rue de la Gaieté - Paris 14e
(jusqu'au 15 mars 2015)
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