jeudi 18 avril 2013

Critique de la pièce "Letter to Larry"

Between the devil and the deep blue sea...


Elle apparaît sur scène telle Odile le cygne noir, brindille maigrissime vêtue d'une robe-tutu long noire, juchée sur une table. Au bord du gouffre. Et dès la première phrase qu'elle dit, elle n'est plus Susie Lindeman, elle EST Vivien Leigh. Cette façon de parler si enfantine, traînant sur certaines syllabes, un souffle parfois, puis un rugissement. Les gestes sont parfaits aussi, le maquillage, ses grands yeux verts ourlés d'un noir de jais, de grandes et fines mains qu'elle agite avec élégance.

La scène se passe en 1960 : alors que Vivien Leigh joue au théâtre, elle reçoit une lettre de son mari, Sir Laurence Olivier (Larry pour les intimes), dont elle est séparée depuis un certain temps, qui lui demande le divorce. Il a refait sa vie avec une autre, qu'il veut épouser. Il veut mettre un terme à un couple mythique : Sir Laurence and Lady Olivier. Alors Vivian Mary Hartley voit sa vie défiler devant ses yeux et sous les nôtres ébahis, car ce divorce sera sa première mort.

La petite salle du théâtre de Nesle est parfaite pour ce huis-clos, ce one-woman monologue, ces mémoires d'outre-tombe. Quelques rangées de sièges noirs, pas plus, comme des bancs, pas très confortables, une scène minuscule figurant à la fois une loge de théâtre et une falaise au bord de l'océan à l'aide d'une simple table noire collée contre un mur aux pierres apparentes et rugueuses. Maintes fois Susie/Vivien grimpera sur la table, vertigineuse, se jettera contre les pierres, se drapera dans son tutu noir, dans sa folie. Les larmes coulent le long de ses joues, au fil de sa vie, faisant baver son mascara.

Une vie riche, pleine de bonheurs et un drame, berceau de tous les autres : Vivien est tuberculeuse. Cette maladie la rend folle, elle devient maniaco-dépressive, bipolaire, nymphomane, folle à lier (Blanche Dubois, c'était elle dans la vraie vie). On la soigne à coups d'électrochocs (rendus sur scène par un bruit effrayant). Pourtant elle avait été heureuse, jadis.

La mise en scène est créative, pleine d'originalité (les confettis dorés qui tombent du plafond) et sert à merveille un texte intense, sublime, porté par une actrice habitée. La scène où Vivien Leigh revoit Laurence Olivier pour la première fois après leur divorce, dans un restaurant, en présence de Joan Plowright sa nouvelle femme, est un crève-coeur. Pourtant il n'y a que Susie Lindeman sur scène, personne d'autre, mais dans ses yeux, tout est là.

Une incroyable performance, tout à fait à la hauteur de cette actrice sublime que fut Vivien Leigh.

"Letter to Larry" de Donald MacDonald (pièce en anglais)
Mise en scène de Wayne Harrison, avec Susie Lindeman
Théâtre de Nesle - 8 rue de Nesle - Paris 6 jusqu'au 20 avril 2013

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