Depuis deux jours je visionne assidûment les discours des stars de la convention démocrate américaine qui se tient actuellement à Denver. Convention au terme de laquelle, demain soir, Barack Obama sera investi officiellement candidat démocrate aux élections présidentielles de novembre. Et qui sait, peut-être que ces élections enverront pour la première fois de l'histoire des Etats-Unis un homme de couleur à la maison blanche.
Oui, je dis "de couleur". Je ne dis pas "noir", je trouve bizarre que pour parler d'Obama les gens disent "un noir" car en fait il n'est pas plus noir que blanc : il est les deux. Certes il est naturellement très mat de peau mais utiliser le terme "homme noir" est faire un raccourci qui me dérange. Et de plus en plus.
Mais je reviens à la convention démocrate et surtout aux discours de Michelle, Hillary, Ted. Trois personnalités, trois styles, trois figures.
J'ai trouvé le discours de Michelle Obama émouvant, parce qu'elle y parle de son père décédé, de son enfance, de son frère, de sa mère, de ce quartier ouvrier de Chicago dont elle vient. Elle en parle avec le coeur (et beaucoup avec les mains). Elle en impose cette brillante avocate. Elle a un visage naturellement dur, anguleux, elle est grande, plutôt mince, elle se tient droite. En d'autres termes : elle est intimidante. Elle fait intellectuelle et pas franchement proche du petit peuple même si c'est de là qu'elle vient. Son discours est émouvant mais malgré tout presque détaché. Il a clairement été écrit pour faire ressortir son soft side. On a parfois l'impression qu'elle récite, n'est pas très convaincue, sans doute peu à son aise dans l'exercice. Mais l'effort est louable.
Avec Hillary c'est à la fois tout pareil et l'inverse. Hillary c'est une machine de guerre. Dans son tailleur pantalon bouton d'or sans nuance, avec son regard en acier trempé, sa voix forte et très (trop) assurée, elle assène des vérités comme on dispense un cours magistral. Là où Michelle tatonnait, Hillary est rodée. Elle en impose et elle est là pour ça. Elle le veut. Elle a le sens de la formule ("no way, no how, no McCain"), de la rhétorique, son discours est impeccable, bien huilé. Elle dit tout ce qu'il faut, avec la bonne intonation, le bon body language, juste ce qu'il faut d'humour, juste ce qu'il faut de conviction, juste ce qu'il faut d'enthousiasme, de ferveur. Juste ce qu'il faut de maîtrise. Pourtant l'émotion passe, imperceptiblement, sans doute presque malgré elle.
Mais l'émotion pure c'est à Ted Kennedy qu'on la doit. Comme il y a 28 ans, à cette même convention démocrate, alors qu'il n'avait pas obtenu l'investiture de son parti, et qu'il a fait un des plus beaux discours de sa carrière. Aujourd'hui à 76 ans, atteint d'un cancer du cerveau incurable, le petit frère de John et de Bobby vient transmettre la torche, la flamme, l'espoir. Sa présence seule est émouvante car on sait bien que ce sera sa dernière convention démocrate, que dans quatre ans il ne sera plus là. Il parle de ses frères, de leurs rêves lunaires grand format devenus réalité, de leur rêve d'une Amérique meilleure pour chacun qui reste à réaliser. La fin de son discours fait un écho parfait à celui de 1980... et me tire les larmes encore et toujours.
Ce genre de discours me serre toujours l'estomac. Ce rêve d'une vie meilleure, ça fait si longtemps qu'on le rêve, qu'on en parle, et qu'il ne se réalise pas. Toutes ces belles paroles, ces grandes théories, se réaliseront-elles un jour ? John Kennedy a été assassiné il y a 45 ans et où en sommes-nous ? Où en est le monde ? Toujours les mêmes problèmes, toujours les mêmes guerres, toujours les mêmes privilèges, les mêmes difficultés (économie, racisme, extrêmisme religieux) plus quelques autres en prime (réchauffement climatique, épuisement des ressources naturelles) et quelles solutions ? Quelles réponses ? Quelles actions ? Toujours les mêmes discours, les mêmes promesses, les mêmes espoirs, les mêmes déceptions. Toujours.
Alors si les discours des Kennedy me tirent les larmes c'est certes parce que ce qu'ils disent depuis 50 ans est émouvant, qu'ils font de belles phrases qui me font battre le coeur au fond de la gorge systématiquement mais c'est aussi parce que je me dis de plus en plus souvent que finalement depuis 50 ans rien n'a changé et que rien ne changera jamais. L'Homme n'est pas foncièrement bon, nous sommes avant tout individualistes et si j'ai une plus belle vie que mon voisin alors qu'il bosse aussi dur que moi tant pis pour lui.
Jean-Jacques Goldman a dit un jour "les chansons sont souvent plus belles que ceux qui les chantent". Je crains qu'il en soit de même pour les discours des hommes politiques.
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2 commentaires:
Je suis en train d'écouter le discours de Ted Kennedy à la convention de 1980. T'as raison c'est beau. Mais en même temps c'est à désespérer que rien change jamais...
Putain c'était il y a 30 ans et il pourrait faire exactement le même discours... C'est flippant...
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