dimanche 30 août 2015

Critique du livre "Watch Me"

Genre: Me, myself and I  (note: */****)


Ce livre est à l'image de son titre français : à côté de la plaque. On est en effet passé de "Watch me", qui veut dire regardez-moi, à "Suivez mon regard" qui est exactement l'inverse. Va savoir ce qu'il se passe dans la tête des traducteurs-adaptateurs des maisons d'édition...

Mais revenons-en à ce second livre de mémoires d'Anjelica Huston. Fille de, femme de, enfant gâtée d'Hollywood, elle est sans nul doute meilleure actrice qu'écrivain. Je ne sais pas si elle a pris un nègre ou si elle a pondu ces 385 pages toute seule, dans les deux cas le style est à la hauteur du contenu : sans intérêt, du moins pour la majeure partie de l'histoire qui va de sa rencontre avec Jack Nicholson à la mort de son mari, le sculpteur mexicain Robert Graham.  C'est d'ailleurs cette dernière portion qui donne enfin un peu de substance au sujet. On sent qu'elle a sincèrement aimé Graham (ce qui ne l'a pas empêchée de le tromper...) et que cet homme l'a révélée à elle-même.

Avant ça, sa vie de femme et d'actrice pas très respectée par les professionnels de la profession (même si elle a fini par être reconnue en obtenant l'Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle en 1985 pour le film "L'honneur des Prizzi" réalisé par son père) est racontée de façon hachée. Elle passe d'un sujet à un autre, d'un détail à un autre sans prioriser l'importance des événements, sans trop s'attacher aux dates et à la chronologie. Malgré tout, ici et là on parvient à glaner quelques perles (rares) : les circonstances de la mort du fils de Coppola, son arrestation avec Roman Polanski lors de l'affaire Samantha Geimer, sa rupture avec Nicholson, la découverte qu'elle a un demi-frère (Danny Huston), ses cours de théâtre, sa carrière d'actrice puis de réalisatrice, la mort de son père, celle de sa belle-sœur et enfin celle de Bob Graham.

Une autobiographie qui ne restera certainement pas dans les annales.

Watch Me: a memoir - Autobiographie d'Anjelica Huston
Editions Simon & Schuster (2014)
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mercredi 26 août 2015

Rien ne s'oppose à la nuit

Genre: mal de mère   (note: ***/****)


Combien de fois l'ai-je regardée cette photo en noir et blanc sur la couverture du livre... 10 fois ? 100 fois ? Comme si j'avais voulu percer de mes yeux le mystère de cette jeune femme blonde si belle, Lucile, la mère de l'auteur dont Delphine de Vigan partage avec nous l'histoire dans ce livre magnifique, de sa plus tendre enfance à son suicide en 2008, à l'âge de 61 ans. Lucile, cette mère atteinte de troubles bipolaires...

Dire que ce livre (au titre sublime et tellement bien choisi) m'a plu ne lui rendrait pas justice : il m'a littéralement submergée. Une semaine après l'avoir terminé il est encore avec moi, j'en suis imprégnée comme le soleil fixé trop longtemps continue d'imprimer la rétine même après qu'on a détourné les yeux. Ce livre m'a engloutie, touchée, parlé comme avant lui pouvaient le faire ceux de Justine Lévy dans une moindre mesure. L'ambiance et les couleurs joyeuses de l'été m'ont aidé à le terminer : ce n'est pas un livre qu'on lit un dimanche pluvieux au coin du canapé...

J'ai été très surprise du nombre de similitudes que j'ai trouvées entre la vie et la mère de Delphine de Vigan et les miennes. La rue du faubourg Montmartre, les migraines à partir de l'âge de 11 ans, un demi-frère à 12, sont celles que je me rappelle le plus clairement, aujourd'hui que j'ai refermé ce livre et que je n'y ai plus accès puisqu'il est resté sur mon lieu de vacances à 700 kilomètres de moi, dans la bibliothèque maternelle justement.

Aujourd'hui, on ne dit plus "maniaco-dépressif", on dit "bipolaire", comme si c'était plus chic et moins effrayant.  Comme on ne dit plus "handicapé" mais "personne en situation de handicap", "caissière" mais "hôtesse de caisse". Le vocabulaire évolue, la réalité reste la même.

Quelqu'un qui n'était pas médecin m'a dit un jour "bipolaire on l'est tous". Sauf que oui mais non. Certes nous ressentons tous des grands bonheurs et des grandes déceptions, nous alternons tous des périodes plus ou moins longues de joie et de déprime en fonction des événements et des aléas de la vie. Chez un individu atteint de troubles bipolaires, rien n'est fonction, rien n'est proportion, tout est exagération, intensité, disproportion, distortion. Etre bipolaire c'est être au fond du trou, voir tout en noir, vouloir en finir, ne plus avancer, ne plus dormir, ne plus manger, ne plus être capable de fonctionner et, quelques jours/semaines plus tard, se faire belle et aller danser, séduire, s'amuser, redécorer son chez-soi du sol au plafond, refaire la cuisine pour la troisième fois alors qu'on ne cuisine pas, acheter tout et n'importe quoi, dépenser sans compter, ne pas rester en place, être hyperactive, hyperexcitée, hypercompliquée, hystérique, colérique, jamais dans le présent toujours dans l'excès, plus vite, plus loin, plus grand.

Vivre aux côtés d'une personne souffrant de troubles bipolaires c'est comme être dans un tambour de machine à laver : on en ressort lessivé, rincé, essoré. On veut fuir. Quand la personne en question est sa propre mère, Delphine de Vigan décrit très bien le sentiment de solitude, de culpabilité, d'impuissance que l'on ressent. On veut toujours fuir mais on ne le peut pas. On vient de cette personne, on est faite de sa chair, de son sang. On porte en nous ses gènes, son héritage, on a peur d'être comme elle parfois, à s'en rendre folle.

Au-delà de l'histoire de Lucile, le livre raconte aussi dans sa première partie, l'histoire d'une famille nombreuse qui a connu beaucoup de malheurs, de souffrance, de deuils. La mort d'un enfant que l'on "remplace" en en adoptant un autre du même âge auquel on fait porter les vêtements du défunt, ce qui fera dire à ceux qui restent que "les enfants sont interchangeables". Une phrase terrible. Une époque que l'auteur n'a pas connue mais qui est dans l'ADN familial. Et puis Lucile, mariée et maman très jeune. Lucile qui fonctionne jusqu'au jour où, comme un interrupteur qu'on bascule, elle tombe dans une sorte de folie pas douce. Internement psychiatrique, traitement médical, garde des enfants retirée et confiée au père, rien ne va plus. Puis Lucile remonte à la surface, reprend ses études, les réussit, a un travail qui lui plaît, trouve sa place, un semblant de normalité jusqu'à la rechute, une autre maladie et plus envie. Lucile voulait mourir "vivante". C'est ce qu'elle a fait.

Le livre de Delphine de Vigan est magnifique et aucune critique aussi réussie soit-elle, ne lui rendra jamais justice. Il a été sans doute pour elle une thérapie. Pour nous ? Une main tendue, un témoignage émouvant. Et que ne durent que les moments doux.

"J'ai pensé qu'être adulte ne prémunissait pas de la peine vers laquelle j'avançais, que ce n'était pas plus facile qu'avant, quand nous étions enfants, et qu'on avait beau grandir et faire son chemin et construire sa vie et sa propre famille, on venait de là, de cette femme : sa douleur ne nous serait jamais étrangère."

Rien ne s'oppose à la nuit - Roman de Delphine de Vigan
Editions JC Lattès (2011)

dimanche 2 août 2015

The Affair

Genre: True blue (note: ***/****)


Série US - Showtime - 2014
Créée par Hagai Levy & Sarah Treem
Avec Dominic West, Ruth Wilson, Maura Tierney, Joshua Jackson, Darren Goldstein, Mare Winningham, Victor Williams, John Doman, Kathleen Chalfant, Deirdre O'connell, Julia Goldani Telles, Colin Donnell, etc.

L'été arrive et Noah Solloway, sa femme Helen et leur quatre enfants quittent leur brownstone de Brooklyn pour leurs vacances estivales dans les Hamptons, chez ses riches parents à elle, comme tous les ans. Au moment de monter en voiture, l'aîné des fils est introuvable. Noah retourne dans la maison pour le chercher et le retrouve d'une façon qui donne un grand coup de poing dans l'estomac. Le "la" est donné, on n'est pas là pour rigoler. Pas de second degré.

Après avoir consacré sa première demi-heure à Noah, l'épisode consacre la seconde à Alison. Les autres feront de même : les scènes se chevauchent, selon ses souvenirs à lui puis selon les siens à elle, bien souvent dichotomiques.

Assez rapidement on se rend compte que l'histoire entre Noah et Alison qui se déroule sous nos yeux se passe en fait dans le passé. Le présent est une enquête de police suite à une mort accidentelle que le détective semble vouloir requalifier en meurtre. Qui est mort ? Il faudra attendre la moitié de la série pour le savoir. Comment ? Quelques épisodes de plus. L'histoire entre Noah et Alison a-t-elle débouché sur quelque chose ? On le saura tout à la fin.

"The Affair" est une série remarquable à plus d'un titre. Par son écriture déjà, sans fioriture, réaliste, clinique, vraie. Par sa réalisation et son montage pleins de suspense sans en faire trop. Un simple plan peut révéler beaucoup : dans une de ses premières scènes, Alison se coupe le doigt, cherche un pansement et le trouve. Un pansement d'enfant mais dans la maison il n'y a qu'elle et son mari . Où est l'enfant ? Immédiatement on comprend qu'il lui est arrivé quelque chose de dramatique. Disparu ? Kidnappé ? Mort ? On le saura plus tard, beaucoup plus tard.

Mais la plus grande force de la série est sans nul doute son casting. Dominic West n'est pas particulièrement beau mais il a du charme, une présence, une sorte de force tranquille sur le point de vaciller. J'avais découvert Ruth Wilson face à Idris Elba dans la série britannique "Luther". Je l'avais trouvée bizarre, pas très bonne actrice, son rôle de psychopathe n'aidant pas beaucoup à me la rendre aimable. Ici c'est tout l'inverse : elle est terriblement juste dans sa fragilité et sa détermination. Dans le rôle de leurs époux respectifs, Maura Tierney et Joshua Jackson sont formidables. Mention spéciale à Maura Tierney en mère de quatre enfants plus vraie que nature, incroyable de naturel, de force et de vulnérabilité. Les seconds rôles sont tous au diapason, bien aidés par une écriture superbe. On notera la présence de Mare Winningham dans le rôle de la matriarche retorse, 32 ans après "Les oiseaux se cachent pour mourir".

Je me suis souvent prise à penser à "True Detective" dans les premiers épisodes, à cause du montage en deux temps et de l'enquête de police a posteriori, et même si "The Affair" n'en a pas la noirceur et l'intensité dramatique, la qualité est la même.

Le dernier épisode laisse clairement la place à une saison 2. Sera-t-elle aussi réussie que la première ? Toute la question est là.
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