mercredi 30 juillet 2014

House of Cards

La vengeance est un plat qui se mange glacé...

Frank Underwood (Kevin Spacey) ne sera pas Ministre des Affaires Etrangères (Secretary of State). Le Président Walker, démocrate nouvellement élu, revient sur la promesse de campagne qu'il lui avait faite car après réflexion il pense que Frank sera plus utile à sa majorité s'il reste le whip de son parti à la Chambre des Représentants. Big mistake... car cette "trahison honnête" va enclencher un processus de vengeance implacable de la part d'Underwood.

La saison 1 et la saison 2 sont très différentes en termes d'atmosphère. La saison 1 plante le décor et construit les personnages principaux et secondaires. Tout tourne principalement autour de Frank et de Zoe Barnes (Kate Mara), la journaliste qu'il a choisi d'utiliser pour avancer ses premiers pions. L'épouse de Frank, Claire (Robin Wright), n'a pas un rôle prépondérant dans les manigances de son mari. Elle dirige une ONG mais on se rend compte assez rapidement que c'est une femme de ressources, autoritaire, sans état d'âme, femme d'affaires plutôt que femme de coeur capable de licencier la moitié de son équipe y compris sa plus proche collaboratrice sans sauter un battement.

Un peu comme la demeure des Underwood, dans la saison 2 tout devient plus sombre. Même la touche d'humour prend un tour beaucoup plus sarcastique, pour exemple le dernier plan du premier épisode de la saison 2 : la caméra s'arrête sur les boutons de manchettes tout neufs que Frank Underwood vient de se voir offrir par son garde du corps et qui sont ornés de ses initiales : F. U. (f**k you).

Certains seconds rôles importants de la saison 1 ont totalement disparu de la saison 2. Le fil rouge se resserre et se recentre sur le Président, son vice-Président d'un côté, son ami de longue date Raymond Tusk de l'autre, et au milieu... la Chine.  Dans le rôle de Tusk, Gerald McRaney est très bien. Grande classe, je l'avais adoré en juge au coeur tendre dans la série "Fairly legal" avec Sarah Shahi (dont la critique est d'ailleurs sur ce blog) et j'étais contente de le retrouver ici dans un rôle beaucoup plus étoffé, à sa mesure.

Le personnage le plus intéressant au fur et à mesure qu'il se développe est sans conteste celui de Claire Underwood.  A propos d'elle, son mari a cette phrase hallucinnante, face caméra : "I don't know whether I should be proud or terrified... Probably both" (je ne sais pas si je dois être fier ou terrifié. Probablement les deux.). Le jeu de Robin Wright (bien loin de Kelly Capwell !) est sensationnel. Elle a admis dans une interview que David Fincher ne lui avait donné qu'une consigne de jeu : bouger le moins possible. Elle le réussit au-delà des espérances et son personnage se révèle au fil des épisodes (et plus particulièrement dans la saison 2) une sorte de monolithe de glace, toujours impeccable dans ses tenues couture aux couleurs monochromes le plus souvent très sombres qui mettent en valeur sans outrance son corps de rêve. Elle parle toujours d'une voix extrêmement douce pour énoncer des phrases acérées comme des lames de glace qui touchent au coeur. Il y a bien longtemps qu'un personnage féminin de série n'avait donné à ce point des frissons dans l'épine dorsale. Elle forme avec son mari un couple machiavélique et pervers au dernier degré.  Ils semblent faits l'un pour l'autre, se connaître et se compléter au-delà d'un couple classique et l'expression "partners in crime" n'a jamais semblée plus appropriée.

Côté scénario, les ficelles sont de plus en plus grosses et le président Walker aveugle, bien naïf ou carrément stupide de se laisser manipuler de la sorte. On finit par se demander comment il a pu accéder aux plus hautes fonctions de la première puissance mondiale en étant aussi sot. On peut se demander également pourquoi les scénaristes ont choisi le parti démocrate comme famille pour cette belle bande de psychopathes...

Certaines histoires satellite sont sans intérêt. Telle celle de Doug Stamper, chef de cabinet d'Underwood, et de Rachel, une prostituée qui leur a été d'une grande aide dans la saison 1 et dont les scénaristes ne semblent plus savoir que faire dans la saison 2. Un peu comme on ne sait pas comment se débarasser du corps après avoir commis le crime... Idem pour le petit ami de Zoe Barnes et le hacker qu'il contacte pour l'aider à démasquer Underwood. Cette partie du récit se heurte rapidement à une impasse.

Bref, personnellement, je n'avais pas accroché plus que ça au pilote de cette série et je trouvais la petite originalité de mise en scène (Frank Underwood parle régulièrement face caméra pour se confier à nous téléspectateurs, nous mettant en position de silent partners en quelque sorte) au mieux agaçante, au pire qu'elle s'essoufflerait assez rapidement. Au final ce n'est pas le cas et j'ai regardé les 26 chapitres de ces deux premières saisons avec intérêt et assiduité.

Rendez-vous en 2015 pour la suite des aventures de Frank et Claire Underwood dans l'univers toxique de Washington D.C.

"House of Cards" - Série US - 2013 (note: **/****)


Créée par Beau Willimon
Avec Kevin Spacey, Robin Wright, Michael Kelly, Michel Gill, Sakina Jaffrey, Kate Mara, Corey Stroll, Kristen Connelly, Gerald McRaney, Molly Parker, Mahershala Ali, Reg E. Cathey, Joanna Going, Derek Cecil, etc.
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samedi 26 juillet 2014

Critique du film "L'homme qu'on aimait trop"

Genre: l'espion qui ne l'aimait pas (note: **/****)

Réal. André Téchiné
Avec Guillaume Canet, Catherine Deneuve, Adèle Haenel, Jean Corso, etc.
Scénario d'André Téchiné, Cédric Anger et Jean-Charles Le Roux d'après le livre de Renée Le Roux

Elle s'appelait Agnès Le Roux. Elle avait 29 ans, un sacré caractère, un bel héritage et elle a été prise dans les feux croisés de la guerre des casinos qui opposait sa mère à un mafieux niçois nommé Fratoni. Elle était amoureuse aussi, de Maurice Agnelet, son amant et ancien avocat de sa mère, rongé par l'amertume d'avoir été écarté par cette dernière et passé dans le camp Fratoni par intérêt (par vengeance ?). Agnès Le Roux a disparu à la Toussaint 1977, au volant de sa Range Rover toute neuve et n'est jamais réapparue. Trois mois après la disparition d'Agnès, Maurice Agnelet a vidé ses comptes en banque, sur lesquels il avait procuration, pour mettre l'argent (3 millions de francs !) sur son compte à lui. Il n'a jamais cherché à l'appeler, n'a jamais paru inquiet de sa disparition, n'a jamais agi comme si allait revenir. Il est le seul et c'est, entre autres, ce qui a toujours fait dire à Renée Le Roux qu'il savait que sa fille ne reviendrait pas pour la bonne et simple raison qu'il l'avait tuée. Dès lors cette femme n'a plus eu qu'un seul but : faire condamner Maurice Agnelet pour le meurtre d'Agnès.

Renée Le Roux (ici interprétée par Catherine Deneuve) est une femme de caractère, que l'on n'intimide pas facilement et qui ne renonce jamais. Deneuve est crédible dans ce rôle, même si je n'ai jamais trouvé qu'elle était une bonne actrice. Elle joue toujours pareil, débite ses lignes comme une mitraillette (même ici en italien), avec toujours le même rictus, toujours le même sourcil levé mais elle est Catherine Deneuve. Alors... on s'incline.

Face à elle, Guillaume Canet est un peu fade. Il n'a pas le regard de piranha du vrai Maurice Agnelet. Il semble un peu frêle dans un costume de bad boy trop grand pour lui. Ce n'est pas un mauvais acteur mais il est trop lisse.

Le film a été co-écrit par Jean-Charles Le Roux, le propre frère d'Agnès, il donne une version partisane et totalement à charge contre Maurice Agnelet. Sans surprise donc puisqu'Agnelet, dans la vraie vie, vient d'être condamné à 20 ans de prison pour l'assassinat d'Agnès Le Roux.

La vraie (bonne) surprise vient d'Adèle Haenel, inconnue en ce qui me concerne. Son interprétation d'Agnès Le Roux est impressionnante. D'un naturel bluffant, elle dégage sans forcer l'esprit rebelle que l'on imagine volontiers pour la jeune femme : impulsive, entière, intense, têtue.  La scène dans laquelle elle interprète une danse tribale africaine de façon totalement désinhibée, quasi en transes, sous les yeux d'un Guillaume Canet ébahi est purement exceptionnelle.

Il n'est pas facile de faire un film sur un fait divers réel. Il faut y imprimer sa patte, son style, sa propre lecture de l'affaire. Téchiné est certes un grand réalisateur mais sa version chronologique et trop fidèle de l'histoire Le Roux n'apporte rien de plus que l'épisode de "Faites entrer l'accusé" qui lui fut consacré il y a quelques années. Dommage.
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dimanche 20 juillet 2014

Critique de la pièce "Revenir un jour"

Genre: partir un jour et revenir dix ans plus tard (note: */****)

Alex, Steeve, Jordan et Chris étaient les 1Again4 le boys band le plus populaire de sa génération il y a 15 ans. Mais après quelques années d'un succès phénoménal, ils se sont séparés et ne se sont pas revus depuis 10 ans. Lorsque leur ancienne productrice propose de les réunir pour une tournée revival, ils acceptent avec plus ou moins d'enthousiasme (et pour des raisons différentes) mais les retrouvailles ne se passent pas dans une ambiance de franche camaraderie...

Plutôt pas mal écrite avec quelques répliques purement hilarantes, la pièce traite du phénomène boys band avec humour et un trait de réalisme : comment gérer un succès massif lorsqu'on est (très) jeune, pas préparé et jeté dans la fosse aux lions, et surtout comment gérer un arrêt tout aussi brutal de l'aventure ? Le traitement des personnages est inégal, les meilleures scènes étant réservées à Jordan (Franck Le Hen, également auteur de la pièce) et Steeve (Rodolphe Sand, très postillonnant). Tous les personnages s'accordent à dire que l'ex-chanteur-vedette, Alex (Edouard Collin, correct mais postillonneur numéro 2), avait un charisme énooooorme que personnellement je cherche encore... Déception sur le dernier des quatre, Chris (David Tournay), alors qu'à la base c'est pour lui que j'allais voir la pièce. Plutôt du genre beau gosse, je l'avais déjà vu au théâtre dans "ma première fois" avec Astrid Veillon, et je l'avais trouvé bien. Ici il joue fade, voire faux, et n'a finalement qu'un rôle mineur. Dommage.

L'écriture va crescendo, la mise en scène aussi les scènes sur scène étant entrecoupées de petits films qui nous font voir l'envers du décor (l'enregistrement en studio et les répétitions de la choré du concert) pour finir sur la représentation en public. Et là, le quatuor y va à fond, donne tout et réveille la midinette qui jusque là s'assoupissait gentiment dans son fauteuil d'orchestre. Résultat : ces dix dernières minutes et l'ambiance bon enfant de la pièce, m'ont fait sortir de la salle avec un peps et une bonne humeur qui, au final, me font voir l'ensemble d'un œil indulgent.

Pièce de Franck Le Hen
avec Christine Lemler, Franck Le Hen, Edouard Collin, Rodolphe Sand et David Tournay
mise en scène de Olivier Macé
musique de Frédéric Chateau
chorégraphie de Sévy Villette
au Palais des Glaces - 37 rue du Faubourg du Temple - Paris 10
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