jeudi 29 août 2019

Critique du film "LION"

Genre : le petit poucet de Tasmanie (note: ***/****)


Réal. Garth Davis
Avec Dev Patel, Rooney Mara, Sunny Pawar, Abhishek Bharate, Priyanka Bose, Nicole Kidman, etc.
D'après le livre "A long way home" de Saroo Brierley

Saroo a 5 ans, une bouille à croquer, un grand frère, une petite soeur et une maman aimante qui travaille dur pour les nourrir dans cette Inde aride et rude où il est heureux. Parce qu'il a réussi à convaincre son frère de l'emmener avec lui, un soir, sa vie va changer pour toujours : perdu dans les rues de Calcutta, à des milliers de kilomètres de chez lui, il est recueilli dans un orphelinat avant d'être adopté par un couple australien. Il lui faudra 25 ans pour retrouver sa famille originelle.

Un film incroyable, porté par Dev Patel, bien sûr, mais surtout avant lui par le très jeune Sunny Pawar, confondant de naturel, qui nous fait fondre le coeur avec ses grands yeux noirs, ses petites gambettes, sa petite voix qui appelle son frère en vain. On a envie de le prendre dans nos bras, ce petit garçon de 5 ans, de le serrer fort et de lui dire que tout ira bien.

La force de l'amour, la recherche de soi à travers la recherche de ses origines, retrouver d'où on vient pour savoir qui on est et où on peut aller, cette volonté-là peut faire bouger des montagnes. Google Earth n'a jamais été aussi utile et bien utilisé. Quelle persévérance, quelle résilience, c'est à la fois magnifique et très émouvant. 

F/.

jeudi 28 mars 2019

Critique du film "Bohemian Rhapsody"

Genre : biopic (note: **/****)


Réal. Bryan Singer
Avec Rami Malek, Lucy Boynton, Allen Leech, Mike Myers, Gwilym Lee, Ben Hardy, Joe Mazzello, Tom Hollander, etc.

Flamboyant, talentueux, singulier, outrageant, exigeant, génial, attachiant, énervant, égoïste, généreux, une voix, une personnalité, un charisme, une présence. Farrokh Bulsara, plus connu sous le nom de Freddie Mercury, était tout cela et bien plus encore. Larger than life.

Rami Malek (révélé par la série Mr Robot) le restitue parfaitement dans cette performance habitée, taillée pour les Oscars. Sans grande surprise, il a décroché la statuette.

Le film dure 2h15, avec quelques longueurs que les scènes de musique font rapidement oublier. La participation de Queen au concert Live Aid au stade Wembley en 1985 est superbement rendue (même si elle est en version condensée) et donne immédiatement envie d'aller se la revisionner dans son intégralité sur YouTube.

Fan ou pas fan, ces quatre fantastiques-là ont tracé leur légende et on ressort du film en fredonnant une bonne demi-douzaine de tubes qui donnent toujours autant la pêche, y compris en ouverture des Oscars 2019.

Thank you Freddie. RIP.

Freddie: Let's go and punch a hole in the roof of Wembley Stadium.
Brian May: Actually, Wembley Stadium doesn't have a roof.
Freddie: Then we'll punch a hole in the sky.
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Critique du film "Jusqu'à la garde"

Genre: jusqu'à ce que... (note : ***/****)


Réal. Xavier Legrand
Avec Léa Drucker, Denis Ménochet, Thomas Gioria, Jean-Marie Winling, Mathilde Auneveux, Mathieu Saïkaly, etc.

Après près de 20 ans de mariage et deux enfants, Myriam et Antoine Besson divorcent. Le film s'ouvre sur une scène tout en émotions contenues dans le bureau de la juge. Elle lit aux deux parents accompagnés de leurs avocates la déclaration du fils de 11 ans qui dit en des termes très forts ne plus vouloir voir son père ("l'autre"). Du tout. Jamais. Réaction du père : affligé, blessé, un gros nounours pataud qui tente de faire valoir ses droits et avant tout celui de voir ses enfants. Réaction de la mère : colère froide, un bloc de marbre. L'avocate du père tente de plaider la manipulation de l'enfant par la mère, l'avocate de la mère tente d'être plus conciliante, sa cliente veut en finir avec tout ça et reprendre une vie normale.

Au début on doute. Dans quel camp est la malveillance ? Après la première scène, on se dit qu'il y a quand même un décalage énorme entre les mots du fils de 11 ans pour décrire son père et l'attitude de ce père, calme, clairement en souffrance avec son regard de chien battu. On serait tenté de pencher de son côté, la mère ayant tout l'air de cette manipulatrice que décrivait l'avocate du père. Ce ne serait pas la première fois qu'une mère monterait ses enfants contre leur père pour lui faire du mal dans une procédure de divorce.

Alors qu'est-ce qui fait que deux scènes plus tard, on sait que ce n'est pas le cas ? La réponse tient en deux mots : Thomas Gioria. Par une performance d'acteur des plus minimalistes, ce jeune garçon fait passer une multitude d'émotions au premier rang desquelles la terreur. Une terreur réelle qui traverse l'écran pour nous prendre aux tripes. Les scènes entre le fils et le père dans la voiture sont incroyables d'intensité.

Le film dure 90 minutes et il tient en quatre ou cinq scènes pas plus. C'est tout ce qu'il faut à Xavier Legrand, avec un minimum de dialogues, des scènes longues, sans musique, un montage au scalpel et des acteurs tous fabuleux pour faire monter crescendo la tension jusqu'à la scène finale, glaçante, dix minutes en apnée.

Léa Drucker a obtenu le César de la meilleure actrice pour ce film. Elle l'a probablement mérité mais le jeune Thomas Gioria l'aurait mérité aussi. La meilleure performance du film, pour moi c'est lui.
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mardi 26 mars 2019

Absentia

Genre: à oublier (note: 0/****)


Série US - 2017
Créée par Matthew Cirulnik et Gaia Violo
Directeur de la photographie Nadav Hekselman
Avec Stana Katic, Patrick Heusinger, Angel Bonnani, Cara Theobold, Neil Jackson, Ralph Ineson, Patrick McAuley, Warren Byrne, etc.

L'agent duu FBI Emily Byrne est retrouvée, six ans après avoir été kidnappée, en vie alors que tout le monde la croyait morte. Sa mémoire de ce qui s'est passé est en lambeaux. Que lui est-il arrivé ? L'homme jugé et condamné pour son enlèvement et son assassinat est-il le vrai coupable ? Aidée de son mari (FBI lui aussi qui, la croyant morte, a refait sa vie et donné une nouvelle mère à leur jeune fils) et d'un flic local, tous deux un coup la croyant innocente, un coup la croyant coupable, elle va essayer de résoudre ce mystère tout en se demandant si elle peut renouer avec son fils (et son mari) et surtout en essayant de prouver qu'elle n'est pas l'assassin de toutes les personnes qu'elle a soupçonnées à un moment ou à un autre et qui, curieusement, sont exécutées les uns après les autres depuis qu'elle a été retrouvée.

Vous trouvez ce résumé mal écrit et ça ne vous donne pas vraiment envie de visionner la série ? C'est normal. Ce résumé traduit exactement l'impression que m'a laissé Absentia : bâclée, clichée, mal jouée, avec des longueurs à n'en plus finir (six épisodes auraient suffi).

J'avais bien aimé Stana Katic dans le rôle qui lui a apporté la célébrité, celui de Kate Beckett dans "Castle" et Patrick Heusinger était plutôt pas mal dans le (second) rôle du frère homosexuel de Lisa Edelstein dans "A girlfriend's guide to divorce". Ici, ils sont en pilote automatique avec deux expressions faciales (elle bouche entrouverte, lui sourcils froncés) et ne font que courir et pleurer sur les dix épisodes. Pour le flic bostonien c'est pire : plus cliché tu meurs, sapé comme s'il était Columbo undercover chez les narcos depuis dix ans, l'air d'être tombé du lit à chaque scène et un jeu d'acteur au ras des pâquerettes. La série collectionne les invraisemblances, les stéréotypes et prend des raccourcis (sauf avec le nombre d'épisodes) qui finissent par rendre le tout risible.

Seuls le directeur de la photographie (angle de vue de certaines scènes et jeu d'ombres et lumière bien fait) et l'acteur Warren Byrne (très bien dans le rôle du père d'Emily Byrne) relèvent le niveau. C'est mince.

J'ai quand même tenu jusqu'au bout, en partie parce que je pensais qu'il n'y avait que huit épisodes (je me suis rendu compte à la fin du huitième qu'il y en avait deux autres...) et en partie parce que je voulais quand même connaître le fin mot de cette histoire abracadabrantesque. Mais le dénouement est à l'image du reste. Dommage car le premier épisode était bien.

Les critiques sur IMDb sont très clivées. La saison 2 est sur le point d'être diffusée. Comme quoi.
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Critique du livre "Le mystère Henri Pick" de David Foenkinos

Genre : livre à tiroirs (note: ***/****)


Au fond de la bibliothèque municipale d'un petit village de Bretagne, Delphine, une jeune éditrice, découvre un trésor : quelques étagères alignant les manuscrits de romans refusés par les éditeurs, récupérés méticuleusement depuis de nombreuses années par le bibliothécaire à la seule condition que les auteurs rejetés viennent eux-mêmes déposer leur ouvrage. Et au milieu de ce trésor, une pépite : un roman écrit par un certain Henri Pick, intitulé "les dernières heures d'une histoire d'amour" que Delphine décide aussitôt de faire publier par sa maison d'édition. L'engouement et le succès sont immédiats, donnant ainsi naissance au mystère Henri Pick et à l'énigme de ce livre qu'un certain nombre de personnes vont tenter de résoudre.

Troisième livre que je lis de David Foenkinos (après "la délicatesse" et "le potentiel érotique de ma femme") et comme les deux fois précédentes, ce fut un vrai bonheur. Foenkinos aime profondément les livres, raconter des histoires - au propre comme au figuré. Il n'a pas son pareil pour manier la langue française avec élégance, délicatesse et beaucoup beaucoup d'esprit. Son style est plein de finesse et ses histoires empreintes d'une grande poésie. On se laisse emporter par son humour qui donne parfois l'impression d'être involontaire, une sorte de style à la Pierre Richard, irrésistible sans le savoir, sans le vouloir, aussi bien dans la narration que dans les dialogues. Ses personnages sont toujours un peu décalés, un peu cabossés par la vie mais cette vie est la leur, ils l'acceptent et la revendiquent. Des histoires de gens de peu mais qui, pour nous lecteurs, veulent dire beaucoup.

Foenkinos réussit à rendre l'enquête menant à la résolution de l'énigme Henri Pick passionnante de bout en bout. Il lance ses personnages - et ses lecteurs - sur de fausses pistes tels des Sherlock Holmes littéraires dans ce livre à tiroirs génial profondément ancré dans notre époque kimkardashianesque où le comment l'emporte le plus souvent sur le quoi, l'emballage sur le cadeau et le marketing sur le produit. Mais il le fait avec beaucoup de bienveillance.




mercredi 13 mars 2019

Critique du livre "An American Marriage" de Tayari Jones

Genre : She's so lovely (note: **/****)


Roy et Celestial, deux jeunes trentenaires afro-américains mariés depuis à peine plus d'un an, voient leur vie bouleversée lorsque Roy se retrouve accusé d'un crime qu'il n'a pas commis. Puis condamné, forcément, car nous sommes dans le sud profond des Etats-Unis où la couleur de peau noire est déjà une condamnation. Condamné à 12 ans de prison. Au-delà de la couleur de peau, l'histoire se penche surtout sur une question centrale : comment un couple aussi jeune peut-il survivre à une catastrophe pareille ?

Ce qui m'a marquée d'entrée c'est la qualité de l'écriture (le livre est écrit à la première personne). Le style est élégant, fluide, les dialogues sont profonds et réalistes. La structure du livre alterne des passages épistolaires pendant l'incarcération de Roy et des chapitres reprenant les points de vue des personnages principaux : Roy raconte ce qu'il se passe pour lui, c'est ensuite au tour de sa femme Celestial, puis intervient parfois un ami du couple, André, qui va jouer un rôle prépondérant dans leur existence.

Et bien sûr, il y a l'histoire. Tragique. Comment une condamnation injuste et imméritée vient bouleverser deux familles et fracasser la vie et l'avenir d'un jeune couple, car ce n'est pas seulement la vie de Roy qui est détruite mais celle de Celestial qui s'arrête net aussi. Douze ans de séparation alors qu'ils n'étaient mariés que depuis quelques mois. Douze ans quand on en a à peine 30 ans, ça balaye d'un seul coup de marteau tous les projets d'une vie "normale" : avenir professionnel, enfants, parents, amis.

On vibre avec Roy, on compatit avec Celestial. Les émotions sont là, il y en a plein et on les ressent dans son ventre : la colère, la frustration, l'injustice, la compassion, la peine, la tristesse. Au fil de la lecture, je me suis demandée si ces deux-là trouveraient leur paix et pourraient se retrouver sur le même chemin. Au final, ils retrouvent un chemin, sans doute le seul possible pour eux. Pas nécessairement celui que je leur souhaitais, moi, mais probablement le seul réellement possible.

"L'avenir n'est jamais que du présent à mettre en ordre.
Tu n'as pas à le prévoir mais à le permettre"
- Antoine de Saint Exupéry
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dimanche 3 mars 2019

A star is born 2018

Genre: re-re-remake (note: */****)


Réal. Bradley Cooper
Avec Lady Gaga, Bradley Cooper, Sam Elliott, Rafi Gavron, Ron Rifkin, etc.

Je n'y étais pas allée à sa sortie parce que, pour moi, A Star is Born c'est Barbra Streisand et Kris Kristofferson. Point barre.

Je sais bien qu'avant eux il y a eu Judy Garland et James Mason (en 1954) et qu'avant eux encore il y a eu Janet Gaynor et Fredric March (en 1937) mais, principalement grâce à la bande originale, de mon point de vue la version de 1976 est la meilleure.

Et puis la semaine dernière, comme plusieurs millions de téléspectateurs, j'ai vu ça et là, je me suis dit que finalement le film méritait peut-être un petit visionnage.

Même si j'ai été agréablement surprise par la réalisation de Bradley Cooper et le jeu très naturel de Lady Gaga, à quelques détails près le film se contente de reprendre quasi scène par scène la version de 1976. Hélas Bradley Cooper n'a pas le charisme animal du rôle (celui d'un Kris Kristofferson qui exsudait la testostérone par tous les pores de sa peau). Ici, Sam Elliott dégage plus de profondeur, dans le rôle de son frère, que lui. Lady Gaga, si elle s'en sort plutôt pas mal dans son premier rôle au cinéma, n'a ni le talent d'actrice, ni ce mélange de force et de fragilité, et - plus grave - certainement pas la voix unique de Barbra Streisand.

A aucun moment dans le film je n'ai retrouvé entre Bradley Cooper et Lady Gaga cette alchimie, cette magie, ce moment en apesanteur que fut leur performance aux Oscars.

Quant à la bande son, à part "Shallow" qui est une pépite à vous filer des frissons le long de l'épine dorsale, les autres chansons sont quelconques.

Dommage.
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samedi 23 février 2019

The Wife

Genre: I want to thank my wife (note: */****)


Réal. Björn Runge
Avec Glenn Close, Jonathan Pryce, Christian Slater, Max Irons, Harry Lloyd, Annie Starke, etc
Scénario de Jane Anderson d'après le roman de Meg Wolitzer

Joe Castleman, romancier américain de talent, se rend avec son épouse Joan à Stockholm pour y recevoir le prix Nobel de littérature. Ce voyage, suivi par un écrivain ayant pour ambition d'écrire la biographie de Joe, va permettre au vieux couple de se pencher sur la vie qu'ils ont choisi de mener plus de 40 ans plus tôt.

Dès les premières minutes du film, on sent le loup. Est-ce la mise en scène ? Est-ce le sourire de Glenn Close, un peu trop figé et surtout totalement contredit par ses yeux ? Est-ce le comportement de son mari, flatté de l'honneur qu'on lui fait en lui attribuant un prix aussi prestigieux, et pourtant presque gêné de le recevoir ? Quelque chose cloche. Assez vite, on devine quoi.

Du coup, on se concentre sur le jeu de Glenn Close, croulant sous les récompenses et en bonne place pour rafler l'Oscar de la meilleure actrice dimanche soir (ce serait son premier malgré plusieurs nominations). Son jeu pour ce rôle mérite-t-il de décrocher la statuette ? De mon point de vue, non.

Certes le film se laisse voir, certes elle réussit à faire passer un certain nombre de choses de façon très subtile mais elle est particulièrement bien aidée par Christian Slater dans la meilleure scène du film. La meilleure performance de The Wife, c'est lui.

"Behind every great man is a woman rolling her eyes"
Jim Carrey
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mardi 19 février 2019

Critique du livre "La disparition de Josef Mengele" d'Olivier Guez


 Genre : Voyage en amnésie (note: **/****)



Un livre superbement écrit pour raconter l'histoire après-guerre d'un monstre absolu : le docteur Josef Mengele, l'ange de la mort du camp d'Auschwitz. Planqué en Amérique du Sud jusqu'à sa mort en 1979, Mengele a continué de vivre libre alors qu'il aurait dû pourrir au fond d'une cellule pour les crimes atroces qu'il a commis pendant la guerre.

Bien sûr, lui ne voyait pas où était le mal (pas facile de le voir quand il est à l'intérieur de soi ou qu'on a le nez dessus), il se considérait un médecin brillant au service d'une cause noble et plus grande que lui : la pureté de la race du IIIe Reich. A vomir.

"Toutes les deux ou trois générations, lorsque la mémoire s'étiole et que les derniers témoins des massacres précédents disparaissent, la raison s'éclipse et des hommes reviennent propager le mal.
Puissent-ils rester loin de nous, les songes et les chimères de la nuit.
Méfiance, l'homme est une créature malléable, il faut se méfier des hommes
."

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samedi 26 janvier 2019

Critique du livre "On ne voyait que le bonheur" de Grégoire Delacourt

Genre : le verre à moitié (note: **/****)



J'avais lu deux livres de Delacourt ("la liste de mes envies" et "danser au bord de l'abîme") et les deux fois j'avais été très déçue. Alors lorsque j'ai reçu celui-ci pour Noël il y a deux ans, inutile de dire que je l'ai mis dans ma bibliothèque sans sauter un battement en le laissant gentiment prendre la poussière depuis. Et puis finalement, je me suis dit pourquoi pas, allez je le tente, je lui donne une troisième (!) chance.

Et là, à ma grande surprise, je me suis prise à accrocher dès les premières pages. Je ne retrouvais ici rien de ce que j'avais reproché à Delacourt précédemment, au contraire : une belle écriture, certes une histoire pas des plus gaies (un peu sa marque de fabrique) mais racontée sobrement sans cliché, certaines phrases sonnant si juste que je les annotais dans la marge (chose qui ne m'arrive jamais). Une histoire de famille ordinaire, en trois temps : le héros nous raconte son enfance, puis sa vie conjugale mais il parle de ces deux époques de loin, on comprend très vite qu'il les conjugue au passé. Il nous parle depuis un ailleurs géographique et temporel. De loin bien sûr, tout est plus beau, comme dans ces albums photos où tout le monde sourit même si, peut-être, cinq minutes ou deux secondes avant on se disputait, le petit dernier s'était pris une claque, mama avait fait cramé le gâteau ou tonton venait de perdre son emploi, mais sur la photo tout le monde sourit, tout le monde est beau, on ne voit que le bonheur comme dans les albums photos Facebook d'aujourd'hui...

Je poursuivais ma lecture tranquillement, de plus en plus séduite, émue, agacée parfois, mais tout se passait bien jusqu'à ce que j'arrive au milieu du livre et là, ah mais là j'ai cru que j'allais le jeter par la fenêtre. Une seule scène a suffit, une seule ligne même. J'ai refermé le livre et je me suis dit "Ah ça non, c'est pas possible, j'arrête !". Et je suis allée me coucher.

Et puis, les jours et la colère ont passé, j'ai repris ma lecture. Mais ce ne fut plus pareil. Peut-être est-ce fait exprès, peut-être Delacourt veut-il nous faire ressentir au plus profond de nos ventres l'histoire de son héros. J'ai réussi à aller jusqu'au bout, j'ai réussi à trouver au fond de moi un peu de compassion pour cet expert en assurances, ses blessures, ses lâchetés, ses erreurs, ses mauvaises réponses aux questions difficiles que la vie lui posait. Je l'ai accompagné jusqu'à sa rédemption, réelle et probablement méritée, mais malgré tout je garde un souvenir mitigé de cette lecture.