mercredi 27 février 2013

"Fifty shades of Grey" ou la douleur exquise

Après lecture des dix premières pages (des dix premières lignes, devrais-je dire...) du livre "Fifty shades of Grey", on n'a qu'une envie : le refermer, tellement c'est mal écrit. Je ne sais pas si la traduction française est mieux mais une chose est sûre, en anglais c'est vraiment pas terrible. Et puis la curiosité, nourrie par le battage médiatique entourant cette trilogie érotico-SM, fait qu'on s'accroche et qu'on poursuit.

Mis à part quelques trouvailles assez amusantes comme les échanges d'emails entre Anastasia Steele et Christian Grey, souvent faits avec humour, ou la relation de l'héroïne avec son inner Goddess, le style ne s'améliore guère. EL James n'est pas Douglas Kennedy.

Au bout d'une centaine de pages, on se dit que ce livre aurait dû s'intituler "Fifty shades of boring". Aucun cliché ne nous est épargné: un jeune homme de 27 ans issu d'une bonne famille de Seattle, beau comme un Dieu et riche comme Cresus mais avec une âme torturée et incapable d'aimer, flashe sur une oie blanche de la classe moyenne, encore étudiante avec des problèmes de confiance en elle mais qui, malgré tout, n'a pas sa langue dans sa poche. Aucune invraisemblance non plus : la défloraison d'Anastasia la fait grimper au plafond en cinq sec (mais bien sûr...) et lui donne six orgasmes. Rien que ça. On a droit à un défilé de marques à la American Psycho de Ben & Jerry's à toute la panoplie Apple, en passant par Blackberry et Audi, sans oublier Cartier et Louboutin. Un peu de pub aussi pour quelques chanteurs (Nelly Furtado, Coldplay, Beyoncé, Britney Spears) perdus au milieu de grands morceaux de musique classique, histoire de bien appuyer le fait que Mr Grey est un homme de culture et pas uniquement un homme d'affaires pervers qui prend son pied en fouettant ses maîtresses après leur avoir fait signer un contrat et un engagement de confidentialité.

Alors justement, me direz-vous, et le cul dans tout ça ? Le livre est-il à la hauteur de sa réputation sulfureuse ? Certes l'auteure n'y va pas par quatre chemins et décrit par le menu les scènes de sexe, appelle une chatte une chatte mais hormis un ou deux passages de fessée à mains nues ou à coups de ceinturon, y'a pas de quoi aller à confesse. Tout ceci est bien gentillet et ce qui aurait réellement pu faire polémique est écarté, sagement consigné dans une annexe au contrat prudemment intitulée Hard Limits. EL James n'est pas non plus Catherine Robbe-Grillet.

Malgré tout ça, je continue de lire. J'ai fini Grey et je suis passée à darker. Parce que ça entretient mon anglais d'une part, parce que ça se lit facilement d'autre part, mais aussi sans doute parce que c'est une histoire d'amour. Du style Carrie et Big. De ces histoires montagnes russes où on atteint des sommets d'extase une minute pour redescendre dans les abysses du désespoir la suivante. De ce point de vue là, EL James n'est pas à côté de la plaque : ces hommes-là existent, capables de vous faire sentir reine un jour et esclave le lendemain, ces hommes qui aiment mal et que les femmes aiment trop.

Did I ever really love Big or was I addicted to the pain, the exquisite pain, of wanting someone so unattainable...

(note: */****)



mardi 19 février 2013

With one look

Ce que je peux dire d'eux sur un simple regard...

Il m'est arrivé, parfois, de sortir d'un film et de n'en garder qu'un regard. Le regard d'un acteur. Je me suis rendu compte que quelques acteurs m'avaient un jour donné des frissons, sans parler, sans bouger, sans rien faire d'autre que tout transmettre dans un regard.

A la base, le regard est très important pour moi. En tant que femme, dans le jeu de la séduction par exemple, je suis très "sensible" au regard des hommes. Pas à celui que l'on porte sur moi mais simplement à l'intensité du look comme disent les anglo-saxons. Pour moi Sean Connery l'a. George Clooney aussi. Un regard intense, qui vous transperce comme un laser, même si je ne les ai jamais croisés que par l'intermédiaire d'un écran de cinéma. Richard Gere aussi (forcément...), mais plus doux. Et puis il y a le jeu. Récemment, je me suis rendu compte que certains de mes grands moments cinématographiques se résumaient par un regard. Ces regards-là...

D'abord il y a eu Al Pacino dans "Le Parrain II". Scène d'anthologie en ce qui me concerne. Une boîte de nuit, Miami. Michael Corleone sait que quelqu'un de son entourage le trahit en divulgant des informations à ses ennemis. Il ne sait pas qui. Et dans cette boîte de nuit, dans le brouhaha le plus total, son frère parle trop et Michael Corleone comprend que c'est lui qui l'a trahit. Son propre frère. Et là, dans le regard de Pacino, il y a tout: une ombre, une panique, une déception, une colère, une douleur et déjà, une condamnation. Et sur mon épine dorsale, des frissons.

Toujours dans le drame, il y a le regard décomposé de François Cluzet dans "L'adversaire". Tout à la fin du film, quand il arrive chez son ami Jean-Marc Faure au moment où la police sort les cadavres. Dans ce regard-là, il y a toute la culpabilité du mec qui se rend compte qu'il n'a rien vu venir, rien compris à rien. Qu'il vivait dans l'illusion d'une amitié qui n'existait pas. Un regard à donner froid dans le dos.

Drame encore pour Ulrich Tukur dans "Amen.". Un coup d'oeil dans un oeilleton qui donne sur... On ne le saura pas, ou plutôt on ne le verra pas mais dans le regard de Tukur, on le devine. L'horreur. Et encore ce serpent glacé qui monte le long de notre colonne vertébrale. Sur un regard. Pas de mots, pas de geste, pas de jeu de mise en scène. Un simple regard...

Il y a plus de vingt ans, un film français: un viel homme sur un banc, par une douce fin d'après-midi d'automne du midi de la France, parle avec une très vieille femme, aveugle. Elle lui raconte l'histoire de son amour de jeunesse à lui, qui avait quitté le village longtemps auparavant et qui est morte depuis longtemps. Une certaine Florette... Et Florette avait écrit quelques mois après son départ pour annoncer qu'elle avait eu un fils de l'homme. Mais l'homme n'avait jamais reçu la lettre et s'en étonne. Alors il demande à la vieille "Mais cet enfant, il est né vivant ?" Et elle "Vivant oui... mais bossu". Et dans le regard de Montand, toute la détresse et le désespoir du père qui a tué son enfant sans l'avoir jamais connu, sans avoir jamais su qu'il était sien.

Pour finir sur une note plus gaie, il y a enfin Gilbert Melki dans "La vérité si je mens 2". La scène dans un stade de foot, avec Daniel Prévost. Cela fait des semaines que Melki se farcit la présence de Prévost, tout ça pour le convaincre de rencontrer un fournisseur potentiel joué par Gad Elmaleh, et Prévost fait la forte tête. Melki n'en peut plus, est à deux doigts de tout laisser tomber, et just like that Prévost lui annonce que finalement c'est d'accord, il veut bien rencontrer Gad. Melki ne dit rien, il se contente de détourner légèrement le regard. Un regard rempli de jubilation. Et de soulagement que son calvaire soit enfin terminé. Excellent !

Evidemment, ces exemples-là ne sont que des exemples. Je sais qu'il y en a beaucoup d'autres à citer et ce post pourrait d'ailleurs se voir modifier quelques fois au fur et à mesure que d'autres exemples referont surface dans ma mémoire sélective ou que d'autres se rajouteront dans les films à venir.
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lundi 18 février 2013

The Conversation

Je ne sais plus comment j'ai découvert Scott Schuman, aka The Sartorialist, un photographe new yorkais passionné de mode, qui contribue au New York Times et dont je consulte le blog régulièrement. Le fait est que grâce à lui j'ai découvert sa petite amie, Garance Doré, illustratrice à la base qui a également un blog de mode et que, grâce à elle (vous suivez ?) j'ai découvert Amanda de Cadenet.

Amanda est une photographe anglaise devenue actrice devenue intervieweuse dans sa propre émission intitulée The Conversation with Amanda de Cadenet, co-produite par Demi Moore. Elle y interviewe (discute plutôt avec) une belle brochette de femmes, uniquement des femmes, célèbres, qui ont réussi et qui viennent de tous horizons : Jane Fonda, Gwyneth Paltrow, Joy Bryant, Kelly Preston, Alicia Keyes, Donna Karan, Eva Longoria, Diane von Fürstenberg, Lady Gaga (!), etc. Les sujets sont divers et variés et vont de leurs réussites à leurs échecs en passant par leur vie de famille, leurs rêves, leurs espoirs, leurs deuils, leurs regrets, remords, leur carrière, l'argent, les hommes, le  sexe et tout autre sujet typiquement féminin.

Depuis quelques jours, je fais du rattrapage en regardant ses émissions sur son site web et je suis fan, de plus en plus fan même.

Strong, smart and beautiful women... I love it!
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lundi 11 février 2013

Le journalisme (d'investigation) français n'est pas mort... mais il agonise

Mardi dernier, France 2, reportage sur Dominique Desseigne, PDG du groupe Barrière. Je ne connaissais l'homme que de nom, pas du tout son histoire que je trouve rapidement fascinante et surtout très bien racontée au fil du reportage. Le professionnalisme de la journaliste (même dans un sujet de société) m'aurait presque réconciliée avec le "journalisme d'investigation" à la française. Presque.

On nous brosse le portrait de cet homme qui s'est retrouvé dans la famille Barrière par amour et à la tête de l'empire du même nom par accident, qui explique d'ailleurs très bien que sa situation est singulière puisqu'il dirige une société familiale qui ne lui appartient pas et qu'il devra léguer un jour à ses enfants. Après nous avoir raconté tout ça avec le plus grand sérieux et le plus grand professionnalisme journalistique dont la France est capable, la journaliste ne pouvait pas terminer son reportage sans poser LA question qui tue : "Monsieur Desseigne, êtes-vous le père de Zorah Dati ?"

Non là vraiment j'ai eu envie de la gifler. A croire qu'on ne peut plus, dans ce pays, intéresser les gens avec des sujets sérieux plus de 20 minutes, il faut toujours un zeste de polémique, un brin de scandale, une pincée de trash.

Dominique Desseigne semblait aussi déçu que moi. Il lui a simplement répondu d'un air abasourdi "Ah, je m'y attendais à celle-là" et comme elle insistait, il l'a coupé d'un "Madame !" un peu sec.

En deux minutes, j'ai cru que j'avais zappé sans même toucher la télécommande tellement la tournure que prenait ce reportage avait une forte odeur de TF1. Dommage.

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Critique du film "Django, unchained"

Genre: unchain my heart, my feet, my soul (note: ***/****)


Réal. Quentin Tarantino
Avec Jamie Foxx, Christoph Waltz, Leonardo Di Caprio, Samuel L. Jackson, Kerry Washington, Laura Cayouette, Don Johnson, etc. 
 
C'est l'histoire de l'Histoire. Deux ans avant la guerre de sécession aux Etats-Unis, un chasseur de primes allemand à la gâchette facile se balade dans les états du sud pour traquer ses proies. Sur sa route il rencontre un esclave noir, Django, dont il a besoin pour identifier ses trois prochaines victimes. Un lien finit par se créer entre les deux hommes et le blanc accepte d'aider le noir à aller libérer de ses chaînes sa femme, esclave d'un propriétaire terrien.
 
Tarantino est un réalisateur doué pour plein de choses : les acteurs, la mise en scène au service d'une histoire, la musique, le montage, l'humour…
 
D'abord il sait choisir et diriger ses acteurs. Comme il l'avait déjà fait dans "Inglourious basterds", Christoph Waltz fait merveille dans le registre du mec tout en finesse, en délicatesse, en courtoisie, à la limite du "excusez-moi de vous demander pardon" et qui finit par vous coller une balle dans la tête au moment où on s'y attend le moins. Di Caprio oscille sans cesse entre bonnes manières maîtrisées et pulsions sanguinaires, ce qui laisse le spectateur dans une sorte d'appréhension constante de ce qu'il va faire d'une minute sur l'autre.  Samuel L. Jackson est méconnaissable. Il m'a fallu dix bonnes minutes avant de réaliser que c'était lui. Même sa voix est différente. Totalement à contre-emploi dans le rôle du majordome noir qui lave plus blanc que les blancs, il est parfait. Un vrai petit Bounty : noir dehors blanc dedans. A noter aussi Don Johnson, dans un petit rôle mais vraiment très bien. Finalement c'est presque Jamie Foxx, pourtant dans le rôle-titre, que l'on remarque le moins. Il n'en est pas moins impeccable, tout en sobriété et détermination.

Comme toujours chez Tarantino la musique est géniale, elle est un personnage à part entière de l'histoire et du film. L'humour est présent aussi, même dans les scènes les moins propices au rire, telle celle d'une vingtaine de membres du Ku Klux Klan qui se plaignent que les trous pour les yeux de leurs cagoules, confectionnées avec amour par l'épouse dévouée de l'un d'entre eux le soir au coin du feu sans doute, ne sont pas au bon endroit et qu'ils n'y voient rien. Ils pinaillent sur ce détail avec la même légèreté que s'il s'agissait d'un ourlet mal fait ou d'une étiquette qui gratte alors qu'ils s'apprêtent à tuer deux hommes…

Au final, c'est du Tarantino pur, réalisateur de génie aussi à l'aise dans le western que dans ses autres films. On ne voit pas passer les 2h45 de film, certes criblées de balles et baignées d'hémoglobine, mais 2h45 de grand cinéma.