dimanche 30 août 2015

Critique du livre "Watch Me"

Genre: Me, myself and I  (note: */****)


Ce livre est à l'image de son titre français : à côté de la plaque. On est en effet passé de "Watch me", qui veut dire regardez-moi, à "Suivez mon regard" qui est exactement l'inverse. Va savoir ce qu'il se passe dans la tête des traducteurs-adaptateurs des maisons d'édition...

Mais revenons-en à ce second livre de mémoires d'Anjelica Huston. Fille de, femme de, enfant gâtée d'Hollywood, elle est sans nul doute meilleure actrice qu'écrivain. Je ne sais pas si elle a pris un nègre ou si elle a pondu ces 385 pages toute seule, dans les deux cas le style est à la hauteur du contenu : sans intérêt, du moins pour la majeure partie de l'histoire qui va de sa rencontre avec Jack Nicholson à la mort de son mari, le sculpteur mexicain Robert Graham.  C'est d'ailleurs cette dernière portion qui donne enfin un peu de substance au sujet. On sent qu'elle a sincèrement aimé Graham (ce qui ne l'a pas empêchée de le tromper...) et que cet homme l'a révélée à elle-même.

Avant ça, sa vie de femme et d'actrice pas très respectée par les professionnels de la profession (même si elle a fini par être reconnue en obtenant l'Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle en 1985 pour le film "L'honneur des Prizzi" réalisé par son père) est racontée de façon hachée. Elle passe d'un sujet à un autre, d'un détail à un autre sans prioriser l'importance des événements, sans trop s'attacher aux dates et à la chronologie. Malgré tout, ici et là on parvient à glaner quelques perles (rares) : les circonstances de la mort du fils de Coppola, son arrestation avec Roman Polanski lors de l'affaire Samantha Geimer, sa rupture avec Nicholson, la découverte qu'elle a un demi-frère (Danny Huston), ses cours de théâtre, sa carrière d'actrice puis de réalisatrice, la mort de son père, celle de sa belle-sœur et enfin celle de Bob Graham.

Une autobiographie qui ne restera certainement pas dans les annales.

Watch Me: a memoir - Autobiographie d'Anjelica Huston
Editions Simon & Schuster (2014)
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mercredi 26 août 2015

Rien ne s'oppose à la nuit

Genre: mal de mère   (note: ***/****)


Combien de fois l'ai-je regardée cette photo en noir et blanc sur la couverture du livre... 10 fois ? 100 fois ? Comme si j'avais voulu percer de mes yeux le mystère de cette jeune femme blonde si belle, Lucile, la mère de l'auteur dont Delphine de Vigan partage avec nous l'histoire dans ce livre magnifique, de sa plus tendre enfance à son suicide en 2008, à l'âge de 61 ans. Lucile, cette mère atteinte de troubles bipolaires...

Dire que ce livre (au titre sublime et tellement bien choisi) m'a plu ne lui rendrait pas justice : il m'a littéralement submergée. Une semaine après l'avoir terminé il est encore avec moi, j'en suis imprégnée comme le soleil fixé trop longtemps continue d'imprimer la rétine même après qu'on a détourné les yeux. Ce livre m'a engloutie, touchée, parlé comme avant lui pouvaient le faire ceux de Justine Lévy dans une moindre mesure. L'ambiance et les couleurs joyeuses de l'été m'ont aidé à le terminer : ce n'est pas un livre qu'on lit un dimanche pluvieux au coin du canapé...

J'ai été très surprise du nombre de similitudes que j'ai trouvées entre la vie et la mère de Delphine de Vigan et les miennes. La rue du faubourg Montmartre, les migraines à partir de l'âge de 11 ans, un demi-frère à 12, sont celles que je me rappelle le plus clairement, aujourd'hui que j'ai refermé ce livre et que je n'y ai plus accès puisqu'il est resté sur mon lieu de vacances à 700 kilomètres de moi, dans la bibliothèque maternelle justement.

Aujourd'hui, on ne dit plus "maniaco-dépressif", on dit "bipolaire", comme si c'était plus chic et moins effrayant.  Comme on ne dit plus "handicapé" mais "personne en situation de handicap", "caissière" mais "hôtesse de caisse". Le vocabulaire évolue, la réalité reste la même.

Quelqu'un qui n'était pas médecin m'a dit un jour "bipolaire on l'est tous". Sauf que oui mais non. Certes nous ressentons tous des grands bonheurs et des grandes déceptions, nous alternons tous des périodes plus ou moins longues de joie et de déprime en fonction des événements et des aléas de la vie. Chez un individu atteint de troubles bipolaires, rien n'est fonction, rien n'est proportion, tout est exagération, intensité, disproportion, distortion. Etre bipolaire c'est être au fond du trou, voir tout en noir, vouloir en finir, ne plus avancer, ne plus dormir, ne plus manger, ne plus être capable de fonctionner et, quelques jours/semaines plus tard, se faire belle et aller danser, séduire, s'amuser, redécorer son chez-soi du sol au plafond, refaire la cuisine pour la troisième fois alors qu'on ne cuisine pas, acheter tout et n'importe quoi, dépenser sans compter, ne pas rester en place, être hyperactive, hyperexcitée, hypercompliquée, hystérique, colérique, jamais dans le présent toujours dans l'excès, plus vite, plus loin, plus grand.

Vivre aux côtés d'une personne souffrant de troubles bipolaires c'est comme être dans un tambour de machine à laver : on en ressort lessivé, rincé, essoré. On veut fuir. Quand la personne en question est sa propre mère, Delphine de Vigan décrit très bien le sentiment de solitude, de culpabilité, d'impuissance que l'on ressent. On veut toujours fuir mais on ne le peut pas. On vient de cette personne, on est faite de sa chair, de son sang. On porte en nous ses gènes, son héritage, on a peur d'être comme elle parfois, à s'en rendre folle.

Au-delà de l'histoire de Lucile, le livre raconte aussi dans sa première partie, l'histoire d'une famille nombreuse qui a connu beaucoup de malheurs, de souffrance, de deuils. La mort d'un enfant que l'on "remplace" en en adoptant un autre du même âge auquel on fait porter les vêtements du défunt, ce qui fera dire à ceux qui restent que "les enfants sont interchangeables". Une phrase terrible. Une époque que l'auteur n'a pas connue mais qui est dans l'ADN familial. Et puis Lucile, mariée et maman très jeune. Lucile qui fonctionne jusqu'au jour où, comme un interrupteur qu'on bascule, elle tombe dans une sorte de folie pas douce. Internement psychiatrique, traitement médical, garde des enfants retirée et confiée au père, rien ne va plus. Puis Lucile remonte à la surface, reprend ses études, les réussit, a un travail qui lui plaît, trouve sa place, un semblant de normalité jusqu'à la rechute, une autre maladie et plus envie. Lucile voulait mourir "vivante". C'est ce qu'elle a fait.

Le livre de Delphine de Vigan est magnifique et aucune critique aussi réussie soit-elle, ne lui rendra jamais justice. Il a été sans doute pour elle une thérapie. Pour nous ? Une main tendue, un témoignage émouvant. Et que ne durent que les moments doux.

"J'ai pensé qu'être adulte ne prémunissait pas de la peine vers laquelle j'avançais, que ce n'était pas plus facile qu'avant, quand nous étions enfants, et qu'on avait beau grandir et faire son chemin et construire sa vie et sa propre famille, on venait de là, de cette femme : sa douleur ne nous serait jamais étrangère."

Rien ne s'oppose à la nuit - Roman de Delphine de Vigan
Editions JC Lattès (2011)

dimanche 2 août 2015

The Affair

Genre: True blue (note: ***/****)


Série US - Showtime - 2014
Créée par Hagai Levy & Sarah Treem
Avec Dominic West, Ruth Wilson, Maura Tierney, Joshua Jackson, Darren Goldstein, Mare Winningham, Victor Williams, John Doman, Kathleen Chalfant, Deirdre O'connell, Julia Goldani Telles, Colin Donnell, etc.

L'été arrive et Noah Solloway, sa femme Helen et leur quatre enfants quittent leur brownstone de Brooklyn pour leurs vacances estivales dans les Hamptons, chez ses riches parents à elle, comme tous les ans. Au moment de monter en voiture, l'aîné des fils est introuvable. Noah retourne dans la maison pour le chercher et le retrouve d'une façon qui donne un grand coup de poing dans l'estomac. Le "la" est donné, on n'est pas là pour rigoler. Pas de second degré.

Après avoir consacré sa première demi-heure à Noah, l'épisode consacre la seconde à Alison. Les autres feront de même : les scènes se chevauchent, selon ses souvenirs à lui puis selon les siens à elle, bien souvent dichotomiques.

Assez rapidement on se rend compte que l'histoire entre Noah et Alison qui se déroule sous nos yeux se passe en fait dans le passé. Le présent est une enquête de police suite à une mort accidentelle que le détective semble vouloir requalifier en meurtre. Qui est mort ? Il faudra attendre la moitié de la série pour le savoir. Comment ? Quelques épisodes de plus. L'histoire entre Noah et Alison a-t-elle débouché sur quelque chose ? On le saura tout à la fin.

"The Affair" est une série remarquable à plus d'un titre. Par son écriture déjà, sans fioriture, réaliste, clinique, vraie. Par sa réalisation et son montage pleins de suspense sans en faire trop. Un simple plan peut révéler beaucoup : dans une de ses premières scènes, Alison se coupe le doigt, cherche un pansement et le trouve. Un pansement d'enfant mais dans la maison il n'y a qu'elle et son mari . Où est l'enfant ? Immédiatement on comprend qu'il lui est arrivé quelque chose de dramatique. Disparu ? Kidnappé ? Mort ? On le saura plus tard, beaucoup plus tard.

Mais la plus grande force de la série est sans nul doute son casting. Dominic West n'est pas particulièrement beau mais il a du charme, une présence, une sorte de force tranquille sur le point de vaciller. J'avais découvert Ruth Wilson face à Idris Elba dans la série britannique "Luther". Je l'avais trouvée bizarre, pas très bonne actrice, son rôle de psychopathe n'aidant pas beaucoup à me la rendre aimable. Ici c'est tout l'inverse : elle est terriblement juste dans sa fragilité et sa détermination. Dans le rôle de leurs époux respectifs, Maura Tierney et Joshua Jackson sont formidables. Mention spéciale à Maura Tierney en mère de quatre enfants plus vraie que nature, incroyable de naturel, de force et de vulnérabilité. Les seconds rôles sont tous au diapason, bien aidés par une écriture superbe. On notera la présence de Mare Winningham dans le rôle de la matriarche retorse, 32 ans après "Les oiseaux se cachent pour mourir".

Je me suis souvent prise à penser à "True Detective" dans les premiers épisodes, à cause du montage en deux temps et de l'enquête de police a posteriori, et même si "The Affair" n'en a pas la noirceur et l'intensité dramatique, la qualité est la même.

Le dernier épisode laisse clairement la place à une saison 2. Sera-t-elle aussi réussie que la première ? Toute la question est là.
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vendredi 17 juillet 2015

Grace & Frankie

Genre: guys and dolls 3e acte (note: **/****)


Série US - Netflix - 2015
Créée par Marta Kauffman et Howard J. Morris
Avec Jane Fonda, Lily Tomlin, Martin Sheen, Sam Waterston, Craig T. Nelson, Brooklyn Decker, June Diane Raphael, Ethan Embry and Baron Vaughn

Lorsque leurs maris respectifs depuis plus de 40 ans leur annoncent entre la poire et le dessert qu'ils demandent le divorce pour se marier ensemble (!), Grace et Frankie, deux septuagénaires que tout oppose, voient leur monde s'écrouler et n'ont d'autre choix que de cohabiter dans la maison de la plage dont les deux couples étaient conjointement propriétaires. Une nouvelle vie commence pour elles (et pour eux), pleine de premières et dernières fois.

Co-créée par Marta Kauffman (Friends), l'idée de départ est géniale et le casting aux petits oignons. Voir ces quatre superbes acteurs donner vie à ces personnages plein d'énergie, d'envie, de combativité, de certitudes mises à mal, de principes remis en question, d'habitudes à renouveler, de nouveau départ, de plongée dans l'inconnu est un vrai bonheur.  Ces quatre fantastiques là n'ont plus rien à prouver dans leur métier.

On peut penser que Jane Fonda se laisse parfois aller à surjouer mais le personnage de Grace est comme ça : arrogante, superbe, fonceuse, ancienne femme d'affaires à la tête de sa propre société de cosmétiques. L'annonce que son mari la quitte pour un autre homme la fait un premier temps vaciller, c'est sûr,  mais elle se rattrape à la anse de son Birkin, se remet debout, brushing et manucure impeccables, et part à la conquête de sa nouvelle vie. Il lui reste un "3e acte" comme le dirait Jane Fonda elle-même et elle a bien l'intention de le vivre à fond. A 77 ans, elle en paraît 15 de moins facile (seules ses mains et sa démarche parfois mal assurée trahissent son âge). She is simply stunning.

Face à elle Lily Tomlin compose une Frankie hippie-écolo vivant en harmonie avec la nature, les arbres, les esprits, l'impalpable. Elle est impayable. Dans la vraie vie, les deux actrices ont sensiblement le même âge (à deux ans près). Leur duo reformé, 35 ans après Comment se débarrasser de son patron, n'a pas pris une ride. Leur complicité est évidente, leur plaisir de jouer de nouveau ensemble aussi.

De l'autre côté du lit, leurs deux ex-maris campés par Martin Sheen et Sam Waterston. Le premier bien loin de son rôle de président des Etats-Unis dans The West Wing (encore plus loin d'Apocalypse Now...), le second bien loin de son rôle de substitut du procureur dans Law & Order (et encore plus loin de La déchirure...). Ils sont tous les deux parfaits, jouent sobrement et de façon très réaliste leur nouvelle vie conjugale. Ils sont un couple comme les autres et le fait d'être deux hommes formant ce couple ne rend la situation ni plus facile, ni plus compliquée : ils font face aux mêmes problèmes, aux mêmes doutes, ont la même complicité, la même tendresse, le même quotidien et cela les deux acteurs le rendent très bien sans caricaturer. Mention spéciale à Sam Waterston qui est tout simplement sensationnel.

Une petite série sympathique, relativement bien écrite et mise en scène, qui vaut surtout pour son carré d'acteurs principaux.
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lundi 13 juillet 2015

We need to talk about Kevin

Genre : Damien 3.0 (note: **/****)

Réal. Lynne Ramsay
Avec Tilda Swinton, John C. Reilly, Ezra Miller, Jasper Newell, Ashley Gerasimovich, etc.

Elle se réveille seule dans une maison en ruines où règne le chaos. Elle titube, prend des médicaments, s'habille tant bien que mal et sort de chez elle pour trouver sa voiture vandalisée dans la rue : des seaux de peinture rouge ont été jetés sur le véhicule, même chose sur la maison mais, chose surprenante, ça ne la surprend pas justement. Au supermarché, elle évite soigneusement une autre femme dans les rayons, qui en profite pour casser les 12 œufs qu'elle vient de mettre dans son caddie mais là encore ça ne lui fait rien, elle les prend quand même, comme ça, et les mange en omelette morceaux de coquille compris. Elle se fait gifler dans la rue sans réagir, et quand un homme lui propose de témoigner si elle veut porter plainte, elle refuse. Eva Khatchadourian (Tilda Swinton) porte sa croix.

18 ans plus tôt, elle était jeune, insouciante, légèrement provoquante, amoureuse aussi. De cet amour naquit un enfant, un garçon, qui du jour où il poussa son premier cri ne sembla plus n'avoir qu'un but dans la vie : faire de celle de sa mère un long calvaire jusqu'à l'apothéose finale.

Le montage en flashbacks donne une impression de malaise qui convient parfaitement au propos. On est déboussolés, entre présent et passé, comme en décalage horaire. Tilda Swinton est statuesque, éthérée, glaciale. On la trouve distante avec son bébé, incapable de créer le lien. Aucune expression sur son visage, elle semble ne rien ressentir sinon une immense fatigue et prendre son nouveau rôle de mère comme une obligation, sans une once d'enthousiasme, encore moins d'amour. L'enfant grandit et Ezra Miller, l'acteur qui joue Kevin adolescent, donne froid dans le dos d'un simple regard. Impeccable casting. Le drame gronde, monte crescendo : petite mesquinerie fraternelle par-ci, accident domestique par-là, la mère sent venir le "chef d'œuvre" filial, impuissante, tandis que le père ne voit rien, ne comprend rien - ou fait l'autruche, pauvre de lui.

L'apothéose arrive dans les dernières minutes du film, superbement amenée, mise en scène et montée. Le drame aurait-il pu être évité ? Qu'aurait-il fallu pour faire de Kevin un être humain : de l'amour maternel ? De l'autorité paternelle ? Etre né avec une âme tout simplement ?

Le 21e siècle a trouvé son Damien (la malédiction) : il s'appelle Kevin et il est gratiné.
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lundi 4 mai 2015

It's only a play...

Genre: Broadway comedy (note: ***/****)


Auteur : Terence McNally
Metteur en scène : Jack o'Brien
Avec Nathan Lane, Matthew Broderick, Stockard Channing, T.R. Knight, F. Murray Abraham, Katie Finnegan et Micah Stock
Bernard B. Jacobs Theatre - 242 West 45th Street - New York City

Je pensais qu'il avait été remplacé par Martin Short parce que Martin Short l'avait annoncé dans l'émission de Bill Maher il y a quelques mois. Alors j'avais abandonné l'idée d'y aller. Mais en me promenant à Broadway pendant les vacances de Pâques, je suis passée devant le théâtre où se jouait la pièce et à ma grande surprise c'était bien son nom à lui qui était sur l'affiche. Alors j'y suis allée, pour lui.

Il avait joué dans mon épisode préféré de Sex & the City (and one more time for the cheap seats in the back!). Les producteurs de The Good Wife ont également eu la bonne idée de lui donner un rôle secondaire mais clé dans quelques épisodes. Lui, c'est Nathan Lane et je l'adore.

D'ailleurs le directeur de casting de cette pièce n'a pas trop dû se fouler les neurones étant donné que quatre des sept comédiens ont joué à peu près à la même période dans The Good Wife : Nathan Lane, Stockard Channing, principalement connue pour Grease et pour son rôle de FLOTUS Abbey Bartlet dans The West Wing (qui a visiblement le même chirurgien esthétique que le Joker de Batman), T.R. Knight, vu dans Grey's Anatomy, et F. Murray Abraham aka Salieri dans le Amadeus de Milos Forman pour lequel il avait reçu l'Oscar du meilleur acteur.

L'action se passe un soir de première, juste après la représentation, au domicile de la productrice qui donne une petite fête en attendant le verdict de la critique du New York Times qui décidera à elle seule si la pièce vivra, ou pas. Alea jacta est...

C'est une vraie comédie, on rit beaucoup. Les acteurs sont très bien dans l'ensemble (mention spéciale à T.R. Knight en metteur en scène déjanté et Micah Stock en employé de maison aspirant comédien - version New Yorkaise du serveur Los Angelien), tous sauf... Matthew Broderick. Les cinq premières minutes après son entrée en scène j'ai cru qu'il avait un torticolis tellement il était coincé et avait du mal à se mouvoir avec ses 15 kilos en trop... Toute la pièce il a débité son texte sans nuance, sans jeu, du ton monocorde de l'élève de seconde qui a appris sa récitation sans enthousiasme, et sans y porter le moindre intérêt. Zéro.

Matthew Broderick et le prix du billet à l'orchestre (150$ la place !) furent les deux gros bémols de cette soirée. Mais j'ai vu Nathan Lane on Broadway, et ça...
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mardi 14 avril 2015

A la recherche d'un temps perdu

Mon grand-père paternel, corse, avait deux soeurs : Madeleine et Marie-Thérèse, que tout le monde appelait Dédé parce qu'elle avait eu l'infortune de naître après un frère qui n'avait pas survécu et qui s'appelait André.

Madeleine et Dédé furent très présentes durant toute mon enfance.

La deuxième m'avait gardée quand j'étais toute petite. La première habitait avec sa mère, mon arrière-grand-mère corse, une corse vraie de vraie, toute de noir vêtue, maigre et tordue comme un pied de vigne, de longs cheveux blancs toujours remontés en chignon, morte quelques jours seulement avant son centième anniversaire. Quand j'habitais encore dans mon sud natal, j'allais les voir régulièrement, même jeune adulte. Cela me faisait plaisir, cela leur faisait plaisir.

Chez elles, enfant je lisais la BD "Arthur & Zoé" dans Mode de Paris, je grignotais des graines de pollen de fleurs. Adolescente, je passais des après-midis à jouer au rami. Plus tard, Madeleine m'a donné le goût de mon futur métier. Une fois installée à Paris, je continuais d'aller lui rendre visite de temps en temps. Je lui parlais de ma vie à Paris, de théâtre, de voyages, de littérature. C'est elle qui m'avait fait connaître ce beau livre d'Amin Maalouf qui trône toujours dans ma bibliothèque "Le premier siècle après Béatrice". Elle avait un caractère bien trempé, un regard pétillant, un rire énergique. Elle était cultivée, intelligente, intéressante, intéressée.

Elle avait su pardonner mes bêtises d'enfant.

De la fratrie, seule Madeleine était encore de ce monde à la naissance de mon fils. Elle seule a pu faire sa connaissance. Il avait deux mois et elle était aux anges.

Il y avait toujours une odeur particulière chez elle. L'odeur du "vieux" peut-être. Sans doute. Une odeur reconnaissable. En vieillissant, Madeleine ressemblait à sa mère, c'était frappant : la même peau transparente, fine comme de la dentelle, les mêmes mi-bas tombés sur les chevilles ou remontés jusqu'aux genoux et dont on voyait le haut quand elle s'asseyait.

Madeleine s'en est allée dimanche au bel âge de 88 ans. Elle a rejoint Jeanne, sa mère, Jean, son frère, sa soeur Dédé, Henri et tous les autres. Elle a rejoint les rivages éternellement ensoleillés de son île de beauté.

Ma madeleine de Proust c'était elle, et ma tristesse est infinie.
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samedi 7 mars 2015

Critique de la pièce "La Mégère Apprivoisée"

Genre: (not) Atomic Shakespeare (note: */****)

La mégère est une pièce misogyne, on le savait. Mais dans sa direction d'acteurs Mélanie Leray hésite entre "50 nuances de Grey" version psychédélique et... on ne sait pas bien quoi.

La mise en scène n'est pas inintéressante : une caméra film certains personnages et projette en direct sur un grand écran dressé au fond de la scène. Les actes sont entrecoupés de passages chantés (en anglais) par la voix sublime de Ludmilla Dabo. Mais on alterne rythm'n'blues et vulgarité. Laetitia Dosch, qui incarne Catherine, a une voix nasillarde pénible au possible que la médiocrité de son jeu n'aide pas. Vincent Winterhalter (Petruccio) a pris un accent belgo-suisse assez surprenant et totalement inapproprié qui accentue encore la vulgarité de son personnage. Mais le pompon revient sans conteste à Jean-Benoît Ugeux. Dans le rôle de Grumio, on ne saurait dire si son accoutrement et son jeu hystérique et pétaradant sont un hommage à John Leguizamo dans "Romeo + Juliette" mais, hélas pour lui, n'est pas Baz Luhrman qui veut.

La transposition de l'action dans les années 60 aurait pu être une bonne idée mais de cette époque, Mélanie Leray ne semble avoir retenu que des couleurs criardes et une garde-robe sans élégance. Sa direction d'acteurs ne semble pas très maîtrisée : la moitié d'entre eux joue excessivement mal, l'autre moitié peine à trouver sa place, dans le jeu comme sur la scène. Tellement que j'en suis venue à me demander à quelques reprises s'ils n'improvisaient pas régulièrement. Seules les trois dernières minutes, déclamées par Catherine, sonnent juste. Il était temps mais il est trop tard.

Pour une version décalée, pleine d'humour et de grande qualité de cette mégère shakespearienne, je recommande plutôt de revoir l'épisode 7 de la troisième saison de la série "Clair de Lune" (Moonlighting en V.O.) avec Bruce Willis et Cybill Shepherd. Un petit bijou d'adaptation et d'interprétation.


Auteur : William Shakespeare (traduction française: Delphine Lemonnier-Texier)
Mise en scène : Mélanie Leray
Avec Laetitia Dosch, Vincent Winterhalter, Clara, Ponsot, Ludmilla Dabo, Jean-Benoît Ugeux, etc.
Théâtre de la Ville - 4 place du Châtelet - Paris 4e
(jusqu'au 20 mars 2015)
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samedi 24 janvier 2015

Critique de la pièce "L'Elixir d'Amour"

Genre: la tectonique des sentiments (note: **/****)

Adam et Louise se sont aimés cinq ans, jusqu'à ce qu'elle le quitte, lasse de ses infidélités au point de mettre un océan entre elle et lui. Il lui écrit, propose de rester amis. Elle refuse mais se laisse néanmoins attirer dans cette relation épistolaire qui semble l'agacer au début avant de se prendre au jeu.

J'y suis allée pour elle. J'ai toujours eu une certaine admiration pour Pietragalla, peut-être parce que nous avons des origines communes (la Corse), parce qu'elle fut une danseuse étoile magnifique que je suis allée admirer maintes fois, parce qu'elle a cette personnalité singulière, ce physique statuesque féminin/masculin où un corps de sylphide le dispute à un visage taillé à la serpe sous une chevelure de jais, cette voix grave.

Au début on la sent crispée. Son ton est juste mais elle dit son texte trop vite, sans y mettre l'émotion qu'elle devrait. Je me suis dit aïe... D'autant qu'à ma grande surprise, côté jardin, Eric-Emmanuel Schmitt acteur est très bien. Heureusement, le metteur en scène, Steve Suissa a eu la bonne idée de ponctuer la pièce d'extraits de l'opéra "Tristan et Iseult" de Wagner. Sur l'un des premiers morceaux, Pietragalla danse. Avec le haut du corps uniquement, mais elle incarne la musique et ce retour aux sources de sa passion lui permet de se détendre. A partir de ce moment, elle est très bien.

Qu'est-ce que l'amour ? Pourquoi aime-t-on ? Peut-on décider d'aimer ou de ne plus aimer ? Existe-t-il, comme dans Tristan et Iseult, un filtre d'amour ?  "Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour" disait le poète Pierre Reverdy et les hommes et les femmes ont, selon Eric-Emmanuel Schmitt, des façons bien différentes de prouver leur amour. Déjà dans "La nuit de Valognes", il se penchait sur le sujet en faisant le procès de Don Juan. Un Don Juan à qui la naïve Angélique disait "Vous, vous ne m'aimez pas et vous ne pouvez vous forcer à m'aimer. Eh bien moi, c'est pareil : je vous aime et ne peux me forcer à vous désaimer". Ici, Louise sait qu'elle ne peut désaimer Adam, alors elle va s'éloigner pour lui manquer, pour mieux le manipuler, de loin.

Le texte est poétique, servi par une mise en scène simple mais qui réussit à faire surgir l'émotion, une émotion renforcée par une musique très finement utilisée.

Eric-Emmanuel Schmitt est bizarrement l'auteur dont j'ai vu le plus de pièces au théâtre, parfois avec beaucoup de plaisir (La nuit de Valognes, Variations énigmatiques, Ma vie avec Mozart, Le visiteur), parfois moins (La tectonique des sentiments). Cet Elixir d'amour, fait partie de la première catégorie. Une très jolie surprise.


Auteur : Eric-Emmanuel Schmitt
Mise en scène : Steve Suissa
Avec Marie-Claude Pietragalla et Eric-Emmanuel Schmitt
Théâtre Rive Gauche - 6 rue de la Gaieté - Paris 14e
(jusqu'au 15 mars 2015)

samedi 17 janvier 2015

Dans la famille Lévy, je choisis la fille

En 2004, Justine Lévy publie son deuxième roman "Rien de Grave". A l'époque j'en avais fait la critique ci-dessous.

[Justine L., fille de, presque 30 ans, mariée, médicamentée, avortée, déboussolée, plaquée, divorcée. Vivante, quoi. Justine Lévy raconte l'histoire de Louise, une jeune femme que son mari a quittée pour aller vivre et faire un enfant avec la petite amie de son père (à lui). C'est l'histoire d'un amour. Perdu.

On entre dans ce bouquin un peu par curiosité (comment elle écrit, la fille de BHL ?), un peu par hasard aussi (il a une fille, BHL ?), beaucoup parce qu'on a lu quelque part que ça parle d'une convalescence post-rupture et qu'un jour ça nous a forcément interpelés quelque part. Donc on y entre et une fois dedans, on s'en réveille la nuit pour le terminer. C'est ce genre de bouquin, le livre de Justine Lévy : du genre qui fait du bien là où ça fait mal. Elle a une écriture fluide et précise. Elle n'emploie pas un mot à la place d'un autre et le dit comme c'est. Ses phrases sont longues, avec beaucoup de virgules et même les dialogues sont perdus au milieu de paragraphes entiers. Mais ça se lit vite, parce que Justine Lévy nous happe dans son cauchemar, dans son bonheur, dans sa famille, dans sa vie. Elle décrit tellement bien cet espèce de flottement dans lequel on est après un gros chagrin d'amour. Cet espèce d'insensibilité à toutes les émotions, grandes ou petites, cette minimisation des drames postérieurs, ce blindage du coeur, cet instinct de survie qui fait qu'on reste insensible aux douleurs des autres, même les plus proches, même les plus grandes. Louise est le nez sur son nombril et tout le reste lui est parfaitement égal, comme si une chape de plomb lui était tombée sur le coeur. Le cancer de sa mère ? Bof. Le décès de sa grand-mère ? Pas une larme, la source est tarie. Oui, elle l'aimait mais aimer ne veut rien dire. Pleurer non plus. Vivre ? Elle ne sait pas encore.

Pourtant, ce livre ne tire pas les larmes. On le finit à toute allure, en apnée, parce que Louise nous emmène avec elle là où l'air est devenu irrespirable. Et puis, page après page, on refait surface avec elle. On a appris avec elle que la vie c'est aussi les chagrins, c'est aussi d'avoir mal et que ça ne vaut pas moins la peine d'être vécu que le reste. La vie c'est avoir aimé et avoir perdu, c'est être paumé, faible et fragile, désespéré. La vie c'est aussi tout ça. Et Justine Lévy le dit bien, avec élégance et cruauté.]

Cinq ans plus tard, Justine Lévy récidive dans le roman autobiographique avec "Mauvaise fille". Un livre dans lequel elle raconte à quel point sa mère fut une mauvaise mère... mais ça s'appelle "Mauvaise fille". Encore une fois, elle m'interpelle Justine L. Je me reconnais dans sa Louise. Je me reconnais dans les interviews qu'elle donne pour la promo. Elle dit sa culpabilité de penser ce qu'elle pensait de sa mère, d'être enceinte alors que sa mère était mourante. La vie qui continue en elle alors que sa mère, cette beauté vampirisante, est dévorée de l'intérier par le crabe. J'aime son style, toujours le même, toujours une longue litanie avec peu de dialogues, à même le texte sans tabulation, sans guillemets, sans rien. Des états d'âme. Se construire avec cette mère-là, contre elle ou en dépit d'elle, l'aimer malgré tout alors qu'elle n'est objectivement pas très aimable. On ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille. Dans une interview de promo, une journaliste demande à Justine Lévy "si vous pouviez prendre l'enfant que vous étiez dans vos bras, quelle est la première chose que vous lui diriez ? " Réponse "Je lui dirais tu es belle, parce que quand j'étais enfant  personne ne m'a jamais dit que j'étais belle". Ouch...  Moi, si je pouvais prendre la petite fille que j'étais dans mes bras, la première chose que je lui dirais c'est "Je suis là".

Les livres de Justine Lévy sont ma thérapie littéraire. Je chemine avec elle, sa plume me montre la lumière au bout de mon tunnel. A chaque fois, je grandis un peu grâce à elle. Ce n'est pas une écrivaine exceptionnelle, mais elle me touche parce qu'elle parle de sujets qui me touchent, qui me parlent parfois de moi, de ma vie, de mon passé.

Elle vient de sortir un nouveau roman, Justine Lévy. Ça s'appelle "La gaieté" et l'homme de ma vie depuis 15 ans me l'a offert. Peut-être un signe que la boucle est bouclée, que j'arrive au bout de ma quête de mon Moi vrai, que je suis là où je dois être et que tout est bien. Oui. Tout est bien, Tintin...
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vendredi 16 janvier 2015

Revenge, ton univers impitoya-a-ble

In-croy-able. Incroyable est bien l'adjectif qui sied le mieux à cette série, dans tous les sens du terme.

Incroyable comme tout ce qui s'y passe, invraisemblable, voire parfois même ridicule et risible.
Incroyable que cette série soit pourtant dans sa 4e (!) saison.
Incroyable qu'une actrice comme Madeleine Stowe (qui avait quand même joué au cinéma avec Daniel Day-Lewis, pas vraiment un acteur de série B) soit venue se fourvoyer dans un truc pareil, pour y jouer comme un pied en plus, comme tous les autres d'ailleurs ou presque (voir plus bas).
Incroyable enfin et surtout que, malgré tout ça, je sois accro. Oui, accro !

J'ai moi-même du mal à me l'expliquer. Moi qui d'habitude aime les séries bien écrites, fines, pleines d'humour, décalées parfois mais subtiles toujours, je ne m'explique toujours pas comment j'arrive à suivre depuis quatre saisons une fiction qui n'est rien de tout cela. Un mystère.

Seuls quelques acteurs sortent du lot : Gabriel Mann qui réussit à insuffler à son personnage un brin de folie et d'originalité ; Karine Vanasse en rédactrice en chef du Closer local ne s'en tire pas trop mal ; ou encore Henry Czerny, parti au bout de trois saisons, qui lui aussi parvient à donner un peu de relief à ses dialogues. Quant à l'actrice principale, Emily Van Camp, vue précédemment dans "Brothers & Sisters", elle a deux expressions faciales : "j'vais tout péter" ou "c'est vraiment trop dur c'qui m'arrive", qu'elle tient quand même depuis quatre ans. Une performance en soi. A sa décharge, il est vrai que ni elle, ni les autres ne sont aidés par les scénaristes, probablement recyclés de Dallas / Dynastie version 80s (avec whisky, enfant caché et problèmes de riches), en moins crédibles, c'est dire !

Clairement tournée à Los Angeles alors qu'elle est censée se dérouler à New York et Montauk, Revenge est une série oubliable qui sera rapidement oubliée. D'invraisemblances en invraisemblances, je veux voir où tout ça va les mener. Quelques dialogues par-ci par-là sont parfois relativement bien écrits mais l'histoire tarabiscotée au possible est en roues libres, comme si les scénaristes étaient remplacés chaque semaine. Il n'y a rien à sauver, à part quelques jolies robes.


Revenge (2011) - Série US (note: 0/****)
Créée par Mike Kelley
Avec Emily Van Camp, Madeleine Stowe, Gabriel Mann, Joshua Bowmann, Nick Wechsler, James Tupper, Karine Vanasse, Christa B. Allen, Olivier Martinez, Amber Valetta, etc.
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lundi 5 janvier 2015

Les bonnes manières existent encore...

Deux semaines avant Noël, mon conjoint a trouvé dans la rue un iPhone version récente, là au milieu du trottoir dans son joli étui rose fuschia. Il l'a rapporté à la maison et m'a demandé ce qu'on pouvait faire. Le téléphone, dont la page d'accueil affichait la photo de deux jolies petites filles au sourire édenté, étant bloqué par un code, il n'y avait pas grand chose à faire sauf attendre. Attendre que quelqu'un appelle. En espérant que la batterie, déjà assez basse, ne soit pas morte avant.

Au bout d'une heure ou deux, le téléphone se met à sonner. Je décroche et en réponse à mon "Allô ?" un silence surpris. Normal. Je dis immédiatement "Je ne suis pas la propriétaire de ce téléphone". Une voix féminine de l'autre côté de la ligne me répond "En effet, puisque c'est moi. Vous êtes qui ?" Je lui explique comment je suis entrée en possession de son téléphone. Elle est très étonnée car elle pensait l'avoir oublié chez elle et appelait son mari pour s'en assurer. Eh non, il est chez moi.

Je lui dis que je le tiens à sa disposition et qu'elle peut venir le chercher à sa convenance, que j'imagine qu'elle ne doit pas habiter trop loin de chez moi. Son étonnement devient rapidement soulagement. Je lui donne mon adresse et lui dis de rappeler son propre numéro lorsqu'elle est en bas de mon immeuble et que je descendrai avec son téléphone.

Elle est arrivée à 16 heures. Une jeune femme de 30-35 ans, vêtue d'un manteau et d'un bonnet en laine. Cette femme ça aurait pu être moi en plus jeune. Elle tenait à la main un sac du pâtissier Gérard Mulot, de la même couleur que l'étui de son iPhone qui était dans la mienne. Je me suis dit qu'elle devait sûrement être attendue pour un goûter et qu'elle y apportait des macarons. Je lui ai donné l'iPhone. A ma grande surprise, je dois l'avouer, elle m'a tendu le sac Gérard Mulot en disant "merci beaucoup, vraiment, c'est très gentil de votre part". J'ai fait un geste de la main "non, non, ce n'est pas nécessaire, j'ai uniquement fait ce que j'aurais voulu qu'on fasse pour moi si j'avais été dans votre situation". Elle m'a dit "vous savez c'est un iPhone", j'ai dit "oui, j'ai vu".

On s'est dit au revoir et joyeuses fêtes. Qu'y avait-il d'autre à dire ? On ne se connaissait pas. Elle est sortie de mon immeuble, je suis entrée dans mon ascenseur, le sac contenant la boîte de macarons à la main. Et pendant tout le temps où je suis remontée jusque chez moi dans cet ascenseur je me suis dit : les bonnes manières ne sont pas mortes, il y a encore dans cette ville, dans ce pays, sur cette terre, des gens reconnaissants, "bien élevés" comme on disait dans le temps. Des gens bien.

Et ce jour-là, à l'approche des fêtes, au crépuscule de cette année 2014 percluse de petites contrariétés, sans gravité mais sans répit, j'en ai eu les larmes aux yeux.
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