samedi 23 février 2019

The Wife

Genre: I want to thank my wife (note: */****)


Réal. Björn Runge
Avec Glenn Close, Jonathan Pryce, Christian Slater, Max Irons, Harry Lloyd, Annie Starke, etc
Scénario de Jane Anderson d'après le roman de Meg Wolitzer

Joe Castleman, romancier américain de talent, se rend avec son épouse Joan à Stockholm pour y recevoir le prix Nobel de littérature. Ce voyage, suivi par un écrivain ayant pour ambition d'écrire la biographie de Joe, va permettre au vieux couple de se pencher sur la vie qu'ils ont choisi de mener plus de 40 ans plus tôt.

Dès les premières minutes du film, on sent le loup. Est-ce la mise en scène ? Est-ce le sourire de Glenn Close, un peu trop figé et surtout totalement contredit par ses yeux ? Est-ce le comportement de son mari, flatté de l'honneur qu'on lui fait en lui attribuant un prix aussi prestigieux, et pourtant presque gêné de le recevoir ? Quelque chose cloche. Assez vite, on devine quoi.

Du coup, on se concentre sur le jeu de Glenn Close, croulant sous les récompenses et en bonne place pour rafler l'Oscar de la meilleure actrice dimanche soir (ce serait son premier malgré plusieurs nominations). Son jeu pour ce rôle mérite-t-il de décrocher la statuette ? De mon point de vue, non.

Certes le film se laisse voir, certes elle réussit à faire passer un certain nombre de choses de façon très subtile mais elle est particulièrement bien aidée par Christian Slater dans la meilleure scène du film. La meilleure performance de The Wife, c'est lui.

"Behind every great man is a woman rolling her eyes"
Jim Carrey
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mardi 19 février 2019

Critique du livre "La disparition de Josef Mengele" d'Olivier Guez


 Genre : Voyage en amnésie (note: **/****)



Un livre superbement écrit pour raconter l'histoire après-guerre d'un monstre absolu : le docteur Josef Mengele, l'ange de la mort du camp d'Auschwitz. Planqué en Amérique du Sud jusqu'à sa mort en 1979, Mengele a continué de vivre libre alors qu'il aurait dû pourrir au fond d'une cellule pour les crimes atroces qu'il a commis pendant la guerre.

Bien sûr, lui ne voyait pas où était le mal (pas facile de le voir quand il est à l'intérieur de soi ou qu'on a le nez dessus), il se considérait un médecin brillant au service d'une cause noble et plus grande que lui : la pureté de la race du IIIe Reich. A vomir.

"Toutes les deux ou trois générations, lorsque la mémoire s'étiole et que les derniers témoins des massacres précédents disparaissent, la raison s'éclipse et des hommes reviennent propager le mal.
Puissent-ils rester loin de nous, les songes et les chimères de la nuit.
Méfiance, l'homme est une créature malléable, il faut se méfier des hommes
."

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samedi 26 janvier 2019

Critique du livre "On ne voyait que le bonheur" de Grégoire Delacourt

Genre : le verre à moitié (note: **/****)



J'avais lu deux livres de Delacourt ("la liste de mes envies" et "danser au bord de l'abîme") et les deux fois j'avais été très déçue. Alors lorsque j'ai reçu celui-ci pour Noël il y a deux ans, inutile de dire que je l'ai mis dans ma bibliothèque sans sauter un battement en le laissant gentiment prendre la poussière depuis. Et puis finalement, je me suis dit pourquoi pas, allez je le tente, je lui donne une troisième (!) chance.

Et là, à ma grande surprise, je me suis prise à accrocher dès les premières pages. Je ne retrouvais ici rien de ce que j'avais reproché à Delacourt précédemment, au contraire : une belle écriture, certes une histoire pas des plus gaies (un peu sa marque de fabrique) mais racontée sobrement sans cliché, certaines phrases sonnant si juste que je les annotais dans la marge (chose qui ne m'arrive jamais). Une histoire de famille ordinaire, en trois temps : le héros nous raconte son enfance, puis sa vie conjugale mais il parle de ces deux époques de loin, on comprend très vite qu'il les conjugue au passé. Il nous parle depuis un ailleurs géographique et temporel. De loin bien sûr, tout est plus beau, comme dans ces albums photos où tout le monde sourit même si, peut-être, cinq minutes ou deux secondes avant on se disputait, le petit dernier s'était pris une claque, mama avait fait cramé le gâteau ou tonton venait de perdre son emploi, mais sur la photo tout le monde sourit, tout le monde est beau, on ne voit que le bonheur comme dans les albums photos Facebook d'aujourd'hui...

Je poursuivais ma lecture tranquillement, de plus en plus séduite, émue, agacée parfois, mais tout se passait bien jusqu'à ce que j'arrive au milieu du livre et là, ah mais là j'ai cru que j'allais le jeter par la fenêtre. Une seule scène a suffit, une seule ligne même. J'ai refermé le livre et je me suis dit "Ah ça non, c'est pas possible, j'arrête !". Et je suis allée me coucher.

Et puis, les jours et la colère ont passé, j'ai repris ma lecture. Mais ce ne fut plus pareil. Peut-être est-ce fait exprès, peut-être Delacourt veut-il nous faire ressentir au plus profond de nos ventres l'histoire de son héros. J'ai réussi à aller jusqu'au bout, j'ai réussi à trouver au fond de moi un peu de compassion pour cet expert en assurances, ses blessures, ses lâchetés, ses erreurs, ses mauvaises réponses aux questions difficiles que la vie lui posait. Je l'ai accompagné jusqu'à sa rédemption, réelle et probablement méritée, mais malgré tout je garde un souvenir mitigé de cette lecture.



mercredi 21 novembre 2018

Le Bodyguard de la BBC

Attachez votre ceinture et prenez une grande respiration parce que vous allez passer les vingt premières minutes du premier épisode de cette super série de la BBC en apnée, collé à votre fauteuil, à 120 pulsations minutes. Le suspens commence là, dès la première scène, il va vous avaler tout crus pour vous recracher six épisodes plus tard, un peu sonnés mais enthousiastes.

Six épisodes d'un peu moins d'une heure pour retranscrire pour le petit écran (qui a ici tout du grand) l'histoire de David Budd, garde du corps de la Ministre britannique de l'Intérieur, en pleine période de menace terroriste. Casting impeccable, réalisation sans fioriture, je n'avais pas pris une aussi grosse claque télévisuelle depuis "The Night Manager", aussi produite par la BBC. Tiens, tiens...

Vous avez une heure devant vous et envisagez de visionner le premier épisode "pour voir" ? Prévoyez-en plutôt six car une fois lancés, vous ne pourrez plus vous arrêter.

PS: non non, ce bodyguard n'a rien à voir avec Whitney ou Kevin, rien du tout.


Bodyguard - Série UK en 6 épisodes (note : ***/****)
Créée par Jed Mercurio
Réalisée par Thomas Vincent (épisodes 1 à 3) et John Strickland (épisodes 4 à 6)
Avec Richard Madden, Keeley Hawes, Gina McKee, Nina Toussaint-White, Ash Tandon, Sophie Rundle, Paul Ready, Stephanie Hyam, etc.
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jeudi 15 novembre 2018

Critique du livre "L'autre qu'on adorait" de Catherine Cusset

Genre : lettre à l'absent (note: ***/****)


Thomas s'est suicidé. On l'apprend dans les deux premières pages. Il avait 39 ans. 39 ans c'est tôt, beaucoup trop tôt. Un suicide c'est violent, très violent, culpabilisant pour ceux qui restent, les proches, les amis, qui se demandent forcément s'ils auraient pu faire quelque chose pour éviter ça, ce qu'ils ont loupé, les signes ignorés, pas captés, la vie qui leur faisait tourner la tête du mauvais côté. Alors Catherine Cusset a écrit une longue lettre à son ami adoré, ancien amant quitté, héros suicidé. Un livre entier à la deuxième personne du singulier pour le faire vivre encore un peu.

Pourtant Thomas aurait pu réussir, avoir une belle vie, terminer de grandes études, continuer de séduire des femmes, profiter de ses amis, voyager, enseigner. Entre la France où il est né et les Etats-Unis où il part s'installer, un boulevard s'ouvre devant lui. Mais à chaque fois, près du but, quelque chose lâche. A chaque fois, il essaie et échoue. Oh the difference between nearly right and exactly right... Au fur et à mesure de ma lecture, je me suis dit "dis donc il a vraiment la scoumoune ce garçon ! Le sort s'acharne". Il se donne du mal, il bosse dur on se dit cette fois c'est bon, il va y arriver mais non, de nouveau c'est loupé, au dernier moment il dévie, il manque. C'est rageant, on s'énerve après lui, c'est pas possible quand même, il le fait exprès ou quoi ? Jusqu'au jour, jusqu'à la page où on comprend mieux.

Le livre de Catherine Cusset est un long voyage en amnésie, empreint d'une énorme nostalgie. Pour autant il n'est pas triste. J'ai aimé son style, alors que j'avais lu il y a une dizaine d'années un autre livre de cet autrice "Le problème avec Jane" qui m'était tombé des mains. Ici, elle cite copieusement Proust pour accompagner Thomas à la recherche du temps perdu jamais retrouvé, ponctue son récit de paroles de chansons (dont le titre) toujours justes et bien choisies.

En tournant la dernière page, bien sûr, on se demande si elle aurait pu sauver Thomas ? Non. Sans doute que non. Rien ne s'oppose à la nuit.

Tu aurais pu vivre encore un peu
Pour notre bonheur pour notre lumière
Avec ton sourire avec tes yeux clairs
Ton esprit ouvert ton air généreux

Tu aurais pu vivre encore un peu

dimanche 10 juin 2018

RIP Anthony Bourdain


Quasi-inconnu en France, Anthony Bourdain était un globe-trotter et surtout un globe-fooder. D'abord chef lui-même, sa passion l'a ensuite amené à voyager dans le monde entier pour découvrir d'autres cultures et d'autres lifestyles à travers les cuisines locales. Curieux insatiable (au propre comme au figuré), ses émissions télé No Reservations, The Layover et surtout Parts Unknown avaient fait de lui un véritable ambassadeur culturel et de nous des fans assidus. Dans l'épisode sur le Vietnam il avait réussi à convaincre Barack Obama, alors POTUS, de venir partager avec lui un Bun Cha dans un boui-boui à Hanoï, tous les deux assis sur des tabourets en plastique minuscules, Bourdain enseignant à Obama l'art du "slurp" pour manger les nouilles.

Anthony Bourdain s'est suicidé vendredi, à Strasbourg où il tournait la nouvelle saison de Parts Unknown. Il avait 61 ans. Bien sûr je ne le connaissais pas personnellement mais j'adorais le personnage (et quel personnage !), son approche des voyages, de la bouffe et, malgré tout, de la vie. Et cette voix... 


RIP Tony, we miss you already.

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mardi 13 février 2018

Critique du livre "D'autres vies que la mienne" d'Emmanuel Carrère

Genre: la vie ne vaut rien, rien ne vaut la vie (note: ***/****)


Premier livre que je lis de cet auteur, conseillé par une de mes meilleures amies, j'y suis entrée sans a priori.

La quatrième de couverture donne le ton : deux morts inacceptables (celle d'une fillette de 4 ans et celle d'une jeune femme de 33 ans qui portaient, coïncidence singulière, le même prénom) à quelques mois d'intervalle. Les deux fois, l'auteur est présent, témoin impuissant, inutile. Inutile ? Peut-être pas.

D'un côté, le grand-père de la fillette lui demande d'écrire leur histoire, de l'autre, Emmanuel Carrère décide de lui-même d'écrire aussi celle de la jeune femme (sa belle-soeur). Le résultat est brutal, plein de vie, à la fois sidérant comme peut l'être le deuil et stimulant comme sait l'être la vie. Car grâce (peut-on dire grâce dans ces cas-là ?) à la mort de sa belle-soeur, Emmanuel Carrère rencontre un homme d'exception, bousculé par la vie mais en vie, debout, honnête, brut, minéral, qui va lui raconter sa vie et celle de la jeune femme.

Tous deux juges au tribunal d'instance, en charge des cas de surendettement. Plongée dans le malheur ordinaire des pauvres gens qui ne savent pas, ou ne veulent pas, ou n'ont pas d'autre choix que de ne pas lire les toutes petites lignes de leur contrat de crédit revolving... Ces lignes qui, c'est écrit, deux ans plus tard vont les assomer, les démunir, leur faire vivre l'enfer.

L'écriture de ces histoires fut pour Emmanuel Carrère une catharsis car elle a ouvert devant lui un avenir différent de celui auquel il se préparait. Pour le lecteur, c'est un récit souvent choc car il n'enrobe pas le drame de rose bonbon et appelle les choses par leur vrai nom, mais en le refermant, on reste un instant silencieux, la main accrochée au livre comme à une bouée, le temps de reprendre ses esprits, le temps que les cordes vocales se dénouent. Mais très vite après vient l'envie, cette putain d'envie de vivre. Vivre, tout simplement.
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