lundi 13 juillet 2015

We need to talk about Kevin

Genre : Damien 3.0 (note: **/****)

Réal. Lynne Ramsay
Avec Tilda Swinton, John C. Reilly, Ezra Miller, Jasper Newell, Ashley Gerasimovich, etc.

Elle se réveille seule dans une maison en ruines où règne le chaos. Elle titube, prend des médicaments, s'habille tant bien que mal et sort de chez elle pour trouver sa voiture vandalisée dans la rue : des seaux de peinture rouge ont été jetés sur le véhicule, même chose sur la maison mais, chose surprenante, ça ne la surprend pas justement. Au supermarché, elle évite soigneusement une autre femme dans les rayons, qui en profite pour casser les 12 œufs qu'elle vient de mettre dans son caddie mais là encore ça ne lui fait rien, elle les prend quand même, comme ça, et les mange en omelette morceaux de coquille compris. Elle se fait gifler dans la rue sans réagir, et quand un homme lui propose de témoigner si elle veut porter plainte, elle refuse. Eva Khatchadourian (Tilda Swinton) porte sa croix.

18 ans plus tôt, elle était jeune, insouciante, légèrement provoquante, amoureuse aussi. De cet amour naquit un enfant, un garçon, qui du jour où il poussa son premier cri ne sembla plus n'avoir qu'un but dans la vie : faire de celle de sa mère un long calvaire jusqu'à l'apothéose finale.

Le montage en flashbacks donne une impression de malaise qui convient parfaitement au propos. On est déboussolés, entre présent et passé, comme en décalage horaire. Tilda Swinton est statuesque, éthérée, glaciale. On la trouve distante avec son bébé, incapable de créer le lien. Aucune expression sur son visage, elle semble ne rien ressentir sinon une immense fatigue et prendre son nouveau rôle de mère comme une obligation, sans une once d'enthousiasme, encore moins d'amour. L'enfant grandit et Ezra Miller, l'acteur qui joue Kevin adolescent, donne froid dans le dos d'un simple regard. Impeccable casting. Le drame gronde, monte crescendo : petite mesquinerie fraternelle par-ci, accident domestique par-là, la mère sent venir le "chef d'œuvre" filial, impuissante, tandis que le père ne voit rien, ne comprend rien - ou fait l'autruche, pauvre de lui.

L'apothéose arrive dans les dernières minutes du film, superbement amenée, mise en scène et montée. Le drame aurait-il pu être évité ? Qu'aurait-il fallu pour faire de Kevin un être humain : de l'amour maternel ? De l'autorité paternelle ? Etre né avec une âme tout simplement ?

Le 21e siècle a trouvé son Damien (la malédiction) : il s'appelle Kevin et il est gratiné.
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