lundi 21 mai 2012

Critique du film "De rouille et d'os"

Genre: de battre mon coeur s'est arrêté (note: ***/****)

Réal. Jacques Audiard
Avec Marion Cotillard, Matthias Schonaerts, Armand Verdure, Bouli Lanners, Corinne Masiero, etc.

C'est l'histoire d'une rencontre improbable. Un pauvre mec, qui traverse la France du nord au sud avec son fils de 5 ans dans l'espoir d'une vie meilleure. Ou peut-être pas. Une belle fille que sa passion va couper en deux. Au milieu d'eux, un chemin, un tunnel et au bout une lueur avant d'être une lumière.

Jacques Audiard filme à l'épaule, parfois flou, parfois trop près, parfois mal. Les décors sont laids. On est au soleil de la côté d'Azur mais cette côte d'azur là ne pue pas le fric. Cette côte d'azur là c'est celle des fins de mois difficiles, des produits périmés dans le frigo qu'on a piqués au supermarché (qui n'a plus le droit de les vendre) pour se nourrir. Les bruits sont secs comme du fer blanc. Les visages sont fatigués, filmés au plus près, sans fard.

Pour une fois Marion Cotillard a su être sobre. Même dans la scène charnière du film, celle de son réveil dans une chambre blême d'hôpital, alors qu'elle aurait pu hurler elle n'est qu'un murmure de petite fille.

Face à elle un monolithe à l'état brut. Matthias Schonaerts est tout en tendresse contenue, tout en violence maîtrisée. Il n'a l'air de (sur)vivre que parce qu'il n'a pas le choix. Il n'a pas l'air d'en faire beaucoup d'ailleurs. Il va dans le sud avec son petit garçon parce que sa sœur peut l'héberger et c'est tout. D'où il vient ? Qui est la mère du petit ? Que lui est-il arrivé ? On ne le saura pas. Il n'a pas l'air d'aimer beaucoup son fils (le petit Armand Verdure, formidable de naturel et d'émotion), ni sa vie. Il tire des coups sans sentiments, parce qu'il est "opé".

Comment ces deux-là se rencontrent et se comprennent, on ne saurait l'expliquer mais ils se comprennent. Mieux, ils vont se sauver. Ils sont le négatif de l'autre : elle tout en finesse physique et en force mentale ; les orques lui obéissent au doigt et lui coûteront ses jambes. La scène sur sa terrasse où, déjà amputée, elle se lève sur ses prothèses pour refaire, face au vide, les gestes de sa vie perdue est un vrai tire-larmes. D'une intensité inouïe. Lui tout en force physique et en faiblesse mentale ; il parle avec ses poings d'abord, ne réfléchit par forcément après. Il vit dans le ici et maintenant, dans le sans-conséquence, dans l'inconséquence. Son égoïsme, sa bêtise, son inattention (qu'est-ce vraiment au juste d'ailleurs ?) lui font commettre la pire erreur de sa vie, de celles dont on ne se remet jamais. Heureusement pour lui, son "art", la boxe, va lui permettre de la réparer. In extremis. Et le révéler à lui-même par la même occasion.

On sort de la salle l'estomac et les cordes vocales vrillés, le coeur battant au fond de la gorge. On respire l'air frais, la pluie, le vent, avec dans la bouche un goût de rouille et d'os.

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